Économie 12 mars 2018

De la moutarde pour propulser les avions

Le projet de culture de moutarde Carinata et de transformation en biocarburant au Québec commence à prendre forme avec l’investissement de 12 M$ par Desjardins Capital, Cycle Capital, BDC Capital et Lune Rouge. Des questions demeurent cependant en suspens, comme celle du rendement de cette moutarde au Québec.

« Le biocarburant développé par Agrisoma permet d’envisager un changement majeur en matière de gaz à effet de serre [GES] associés au transport aérien à l’échelle mondiale », a souligné Luc Ménard, chef de l’exploitation de Desjardins Capital. L’idée, c’est de produire un biocarburant qui permettrait d’améliorer le bilan carbone des transporteurs aériens ou terrestres. Selon le promoteur, ce carburant plus vert permettrait une réduction de GES de 80 % à 100 % par rapport à son équivalent pétrolier. Selon Agrisoma, c’est ce crédit carbone qui rend le biocarburant compétitif par rapport au produit pétrolier.

« Il y a eu des tests de culture à Varennes. On pense que cette culture est similaire à celle du canola », a précisé Steve Fabijanski, fondateur et PDG d’Agrisoma. Cette entreprise de Gatineau entend fournir les semences aux producteurs à un prix d’environ 30 $ l’acre en leur proposant aussi des contrats pour l’achat de la récolte. En 2018, Agrisoma compte faire de nouveaux tests de culture pour estimer le rendement de la moutarde. Les premiers contrats devraient être signés en 2019. Le prix offert aux producteurs se situerait entre celui du canola et celui du soya. Il pourrait être basé sur un index de prix d’une ou l’autre de ces deux cultures ou sur un prix fixe déterminé avant la saison. Dans un premier temps, Agrisoma serait probablement le seul acheteur et le seul fournisseur de semences de moutarde Carinata. L’objectif est de produire 100 000 acres en 2019 au Canada et de doubler la production chaque année ensuite.

Varennes_Carinaat_trialsinflower

D’ici deux à trois ans, la moutarde produite serait vendue à une usine de biocarburant située près d’un port du Saint-Laurent. Ce dernier projet n’est toutefois pas encore financé et d’autres partenaires sont recherchés.

« On pense que des usines de biocarburant seront situées partout dans le monde, et le Québec est un endroit logique compte tenu du désir du public québécois de soutenir un transport plus propre », a indiqué Steve Fabijanski à La Terre. Ce dernier précise que le projet d’usine est un défi du type « l’œuf ou la poule », en ce sens qu’il faut de la matière première pour fournir la future usine et que les producteurs veulent une usine pour vendre leur récolte.

Pour le moment, Agrisoma fait pousser de la moutarde Carinata aux États-Unis et en Amérique du Sud et fait transformer l’huile en biocarburant en Europe. C’est ce carburant qui a été utilisé dans un vol aérien de Qantas à partir de Los Angeles en février dernier.

Plus de tourteau et de rotations

La transformation de moutarde, sans organismes génétiquement modifiés, permet d’obtenir un tourteau similaire en matière de protéines à celui qui provient du soya. Si la production prenait de l’ampleur, il s’agirait d’une nouvelle culture de rotation avec le maïs et le soya et qui pourrait pousser sur des sols relativement pauvres.