Actualités 9 juin 2021

S’initier aux céréales d’automne

Avec un taux de survie excellent – voire parfait – à plusieurs endroits, la récolte des céréales d’automne s’annonce particulièrement excitante cette année. Si bien que certains producteurs moins habitués à cette pratique pourraient être incités à les inclure dans leurs rotations. Grand bien leur en fasse, car la culture des céréales d’automne entraîne plusieurs bénéfices.

« Les céréales se sont réveillées tôt et on voit plusieurs champs avec 100 % de survie. Si on peut s’épargner de grandes sécheresses, ce sera une année exceptionnelle! » lance Francis Allard, agronome spécialisé en grandes cultures et professionnel de recherche à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).

Au Québec, la culture des céréales d’automne gagne tranquillement, mais sûrement, du terrain. À l’automne dernier, les producteurs de grains ont semé 17 000 hectares de blé d’automne, contre 1 214 hectares en 2000. Et il y a fort à parier qu’avec les nombreux avantages que comporte cette rotation, de même que l’existence d’une protection contre la mortalité hivernale dans le programme d’assurance récolte de la Financière agricole depuis l’année d’assurance 2020, cette pratique gagnera des partisans dans la Belle Province.

Des avantages à la pelle

Faire ses semis à l’automne apporte plusieurs bénéfices pour le producteur, à commencer par un gain potentiel de 25 à 40 % supérieur sur le rendement des céréales d’automne comparativement à celles du printemps. Mais il y a plus, affirme Francis Allard. « Ça libère du temps, dit-il. Si tu as déjà un certain pourcentage de champ semé en automne, ça te permet d’étaler le reste de l’ouvrage au printemps suivant et de répartir l’utilisation de la machinerie et de la main-d’œuvre avec la récolte à la mi-juillet. Ensuite, on a une belle fenêtre pour mettre des engrais verts, qui fera une biomasse intéressante. »

L’introduction du blé d’automne dans les rotations de maïs/soya permet aussi d’augmenter le rendement de ces deux autres cultures. « Le fait qu’il y a toujours des plantes sur place augmente l’activité des microorganismes dans le sol et réduit l’érosion, explique l’agronome. Aussi, puisque la céréale arrive au printemps, elle est déjà en plantules, et donc plus compétitive avec les mauvaises herbes. On aura moins besoin d’herbicides. »

« La clé, c’est de semer assez tôt pour que les plants soient prêts à passer l’hiver. Un bon tallage sera synonyme d’une plus grande densité d’épis, ce qui a un effet sur la rentabilité. » Francis Allard / professionnel de recherche à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA)
« La clé, c’est de semer assez tôt pour que les plants soient prêts à passer l’hiver. Un bon tallage sera synonyme d’une plus grande densité d’épis, ce qui a un effet sur la rentabilité. » – Francis Allard / professionnel de recherche à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA)

Par ailleurs, étant donné que les céréales d’automne font leurs épis à la mi-juin, elles sont moins exposées à la fusariose. Enfin, leur système racinaire plus profond leur assure une meilleure résilience aux sécheresses.

Régie et choix des variétés

Les semis d’automne diffèrent peu de ceux qui sont faits au printemps. « En général, on travaille en semis direct ou en petit travail de sol. Celui-ci étant déjà réchauffé, ça germe assez rapidement », commente Francis Allard.

Pour le choix des céréales, les semenciers développent de plus en plus de variétés. On peut se faire la main avec le seigle d’automne, plus résistant au froid.

Sinon, le seigle d’automne qui fait beaucoup de paille a fait  son apparition sur le marché depuis quelques années. On peut aussi se tourner vers le triticale d’automne, une céréale également généreuse en paille, ou encore vers l’épeautre, recherché par les minoteries en régie bio.

Applicable partout

Il est possible de semer à l’automne dans toutes les régions agricoles du Québec, à la seule condition d’avoir un champ disponible début septembre, le plant devant taller avant l’hivernation. Dans la grande région de Montréal, la fenêtre de semis se situe de début septembre à fin septembre. Il est même possible de semer dans du soya à la volée avant que les feuilles ne tombent, suggère l’agronome. « Dans une région plus au nord, comme le Saguenay–Lac-Saint-Jean, la fenêtre est plus courte, mais cela peut se faire vers mi-août ou début septembre. Les précipitations de neige y sont généralement généreuses et offrent une bonne protection. Une couverture de neige de 7 cm suffit à protéger la culture jusqu’à des températures de -40 °C », précise Francis Allard.

À la station de l’IRDA à Saint-Bruno-de-Montarville, les parcelles d’hybrides de seigle d’automne en régie bio ont connu d’excellents taux de survie.
À la station de l’IRDA à Saint-Bruno-de-Montarville, les parcelles d’hybrides de seigle d’automne en régie bio ont connu d’excellents taux de survie.

Semer tôt pour un meilleur rendement

Bien entendu, le rendement des céréales d’automne est tributaire de la mortalité hivernale, qui dépend beaucoup de la météo. Au Québec, la moyenne de survie était de 75 % pour le blé d’automne et de 50 % pour le seigle d’automne entre 2016 et 2020, selon Statistique Canada.

« Ce qui est mortel, c’est une pluie hivernale suivie d’un gel rapide, ce qui empêche les sols de se drainer », indique-t-il. Un sol sans couverture de neige soumis à de très grands froids limite également la survie des cultures. « La clé, c’est de semer assez tôt pour que les plants soient prêts à passer l’hiver. Un bon tallage sera synonyme d’une plus grande densité d’épis, ce qui a un effet sur la rentabilité. » Idéalement, on sème ses céréales d’automne sur une terre bien nivelée et drainée et c’est encore mieux si la parcelle bénéficie de barrières naturelles comme une haie brise-vent.

Documenter l’impact des céréales d’automne

L’IRDA mène actuellement dans 10 régions agricoles du Québec un projet de recherche dans lequel il souhaite vanter les mérites des céréales d’automne en les comparant aux céréales de printemps, tant en régie conventionnelle que biologique. Le projet entend démontrer les gains de productivité et les avantages économiques de cette pratique, de même que ses bénéfices pour la santé des sols et pour l’environnement. « Oui, le maïs et le soya ont une valeur économique très intéressante, mais si un producteur ajoute des céréales d’automne dans ses rotations durant quelques années, ses cultures commerciales vont également en profiter », conclut Francis Allard. 


Cet article a été publié dans l’édition de mai 2021 du magazine L’UtiliTerre.