Économie 16 mai 2022

Mise en garde contre les problèmes d’insectes dans les silos

Un chercheur d’Agriculture et Agroalimentaire Canada a partagé ses résultats préliminaires avec La Terre, lesquels révèlent, à sa propre surprise, que près de la moitié des silos de grains échantillonnés comportent des insectes. « Je me suis rendu compte que dans les cas où il y avait des insectes, les grains n’étaient pas entreposés dans des conditions optimales. Ils étaient trop chauds ou trop humides », dit Vincent Hervet.

Le chercheur Vincent Hervet a trouvé des insectes dans la moitié des silos échantillonnés. Il croit que les agriculteurs ne vérifient pas suffisamment la température et le taux d’humidité de leurs grains entreposés. Photos : Agriculture et Agroalimentaire Canada
Le chercheur Vincent Hervet a trouvé des insectes dans la moitié des silos échantillonnés. Il croit que les agriculteurs ne vérifient pas suffisamment la température et le taux d’humidité de leurs grains entreposés. Photos : Agriculture et Agroalimentaire Canada

Les 38 silos analysés contiennent principalement du blé et se trouvent au Manitoba, mais la présence de ces insectes pour la plupart microscopiques pourrait tout autant être détectée au Québec. Les hivers québécois ne sont pas plus froids que ceux du Manitoba, et, à ce sujet, l’hiver ne tue pas systématiquement les insectes. « Le grain est un très bon isolant. J’ai pris des échantillons dans un silo au milieu de l’hiver et il y  avait des insectes vivants qui bougeaient bien », précise le chercheur. 

Qui plus est, des producteurs du Québec éprouvent également des problèmes de conservation des grains en silos, constate Nicolas St-Pierre, qui enseigne en agriculture au Collège d’Alma. Il a présenté plusieurs conférences sur le sujet de l’entreposage ces dernières années. « On a un gros pas de fait, mais il y a encore du chemin à faire. Des acheteurs rencontrent encore des problèmes de grains déclassés en raison d’une mauvaise gestion de l’humidité à la ferme. Des lots qui ont été bien séchés et qui sont rentrés corrects dans les silos à l’automne sont déclassés en sortant des silos », observe-t-il. L’enseignant a entendu parler d’un seul cas de producteur québécois aux prises avec une infestation d’insectes visibles dans son silo. Si plusieurs silos étaient échantillonnés pour déceler la présence d’insectes dans le grain au Québec, « peut-être qu’on ferait le saut », admet-il.

Une ventilation sous-estimée

Tant Nicolas St-Pierre que Vincent Hervet soulignent l’importance de mesurer fréquemment la température de même que le taux d’humidité des grains entreposés dans le silo, et par le fait même, de ne pas sous-estimer le rôle crucial de la ventilation.  « Quand le grain est assez sec et assez froid, il y a peu de problèmes d’insectes. Et quand la température descend sous les 18 °C, ils ne peuvent plus se reproduire, sauf que ça peut prendre des mois pour refroidir le centre [d’un silo] si on ne ventile pas », mentionne M. Hervet.

Sans ventilation, il indique qu’en hiver, l’air près des parois du silo se refroidit, descend et remonte par le centre. Ce phénomène de convection augmente le taux d’humidité des grains secs situés au centre et surtout dans le haut du silo. « C’est là que les insectes commencent et se propagent », souligne-t-il. Au printemps, le phénomène de convection est inverse, l’air chaud descend par le centre.

Le blé et l’orge sont plus propices aux problèmes d’insectes que les oléagineux comme le canola, précise le chercheur. Des espèces d’insectes mangent la moisissure; d’autres, le germe du grain. Dans ce cas, le grain n’est plus fertile et utile pour les producteurs qui veulent le ressemer. La qualité peut diminuer. Le danger demeure aussi de voir les insectes se retrouver dans le produit final, la farine par exemple, stipule Vincent Hervet.

Au-delà de la ventilation, une fois un silo contaminé par les insectes, il recommande de le transvider, car l’action des vis à grains ou des aspirateurs à grains tue plusieurs insectes et homogénéise le taux d’humidité. Il importe dans certains cas de désinfecter les silos une fois vides.

En prévention, il conseille de toujours nettoyer les abords des silos et les équipements pour éviter que du grain y traîne, ce qui attire les insectes, qui peuvent voler et se retrouver à l’intérieur les silos.


Des milliers de dollars en jeu

Nicolas St-Pierre, enseignant au Collège d’Alma, fait valoir que les prix à la hausse des grains incitent des producteurs à entreposer plus longtemps leurs grains cette année. Il conseille de vérifier fréquemment la température et le taux d’humidité des grains et d’ajuster les séquences de ventilation en conséquence, même dans les silos équipés de systèmes de ventilation automatisés. Il donne l’exemple d’un producteur québécois qui a perdu des milliers de dollars après que 440 tonnes de maïs se sont mises à chauffer dans un silo.