Économie 28 janvier 2021

La hausse du prix du maïs et du soya ne fait pas que des heureux

Si les prix très élevés du soya et du maïs font le bonheur des producteurs de grains depuis quelques semaines, ils ne font pas celui des éleveurs de porcs et de bovins d’engraissement, pour qui l’alimentation des animaux représente environ 70 % du coût de production.

« C’est très, très dur », réagit Christian Blais, directeur général de l’entreprise Isoporc, située à Saint-Hugues en Montérégie, dont la production avoisine les 400 000 porcs par année. Il estime perdre environ 25 $ par tête depuis la hausse soudaine du prix du maïs et du soya, qui compte pour une grande part du menu des animaux. « Le prix de vente ne progresse pas assez vite pour compenser toutes nos pertes », regrette-t-il.

Christian Blais
Christian Blais

Le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, confirme que les éleveurs vendaient déjà leurs bêtes à perte depuis deux mois en raison notamment de la hausse des porcs en attente dans les fermes. Des porcs en moyenne plus lourds qui coûtent aussi plus cher à nourrir. « Après une chute des prix du porc, l’augmentation du prix du grain vient ajouter une brique de plus sur leurs épaules », commente-t-il, évaluant qu’un porc coûte maintenant 20 % plus cher à produire qu’avant que tous ces facteurs entrent dans l’équation.

Selon lui, cette situation freinera plusieurs projets d’expansion de cheptel, incitant des producteurs à vendre un ou deux lots de porcelets dans des fermes aux États-Unis en attendant que l’engraissement redevienne plus rentable pour eux. « Car si ce n’est pas assez rentable, ils doivent être en mesure d’absorber les pertes à même leur marge de crédit en attendant que la situation se stabilise ou de toucher l’aide d’Agri-stabilité, ce qui ne sera pas possible avant mai 2022 », explique-t-il.

Des producteurs de bovins réduiront leur cheptel

Le président des Producteurs de bovins du Québec, Jean-Thomas Maltais, estime quant à lui que la hausse de prix du soya et du maïs incitera les gros producteurs de bovins d’engraissement à réduire leur cheptel et à miser davantage sur les grandes cultures.

Michel Daigle
Michel Daigle

C’est notamment la stratégie de Michel Daigle, producteur de bouvillons et de grandes cultures à Sainte-Hélène-de-Bagot, en Montérégie. S’il maintient normalement son troupeau à 2 500 têtes, il prévoit terminer l’année avec environ 1 000 animaux. En contrepartie, il vendra plus de maïs. « Ça fait depuis l’automne que je perds entre 200 et 250 $ par tête, parce qu’il y a eu des retards dans les abattoirs et que les prix sont bas dans le bouvillon. Avec la hausse du prix des intrants, la production animale sera encore moins rentable prochainement », anticipe celui qui note également une hausse importante du prix des sous-produits qu’il achète et qu’il intègre dans l’alimentation de ses animaux.

« Les producteurs de bouvillons sont en mode survie en ce moment. Ils cherchent des moyens de rentabiliser leur entreprise », renchérit Jean-Thomas Maltais, rappelant que les temps sont durs pour ces éleveurs qui peinent depuis trois ans à obtenir de bons prix pour leurs animaux. « Pour certains, la hausse des prix du maïs et du soya est un problème; pour d’autres, c’est une opportunité. Mais ce n’est certainement pas bon à court terme pour la filière qui ne va déjà pas si bien que ça », fait-il valoir.