Grandes cultures 12 septembre 2022

Ferme Jean-Pierre Gagnon : une complicité constructive

SAINT-PROSPER – À la Ferme Jean-Pierre Gagnon, de Saint-Prosper en Mauricie, la complicité père-fils est rapidement devenue le moteur de la croissance de l’entreprise, qui est maintenant gérée par les 4e et 5e générations de Gagnon, sous l’œil admiratif du grand-père Fernand.

On travaille bien ensemble. Chacun sait ce qu’il a à faire et le fait efficacement », raconte Jean-Pierre Gagnon devant son fils Maxime qui acquiesce.

C’est cette complicité père-fils qui a permis à l’exploitation de se tailler, en cinq ans, une place enviable parmi les entreprises productrices de grandes cultures dans la région. Elle exploite aujourd’hui environ 1 600 hectares de terre répartis dans cinq municipalités des environs : Sainte-Geneviève-de-Batiscan, Sainte-Anne-de-la-Pérade, Saint-Stanislas, Saint-Maurice et, bien sûr, Saint-Prosper où sont concentrées environ 75 % des terres cultivées.

La complicité entre Jean-Pierre Gagnon  et son fils Maxime a permis à la ferme familiale  de connaître une expansion spectaculaire  au cours de la dernière décennie.
La complicité entre Jean-Pierre Gagnon et son fils Maxime a permis à la ferme familiale de connaître une expansion spectaculaire au cours de la dernière décennie.

La majeure partie de cette superficie est consacrée à la culture du soya (sur plus de 700 hectares) et du maïs (environ 550 hectares). Plus de 200 hectares sont réservés à la culture de céréales, l’avoine pour consommation humaine et animale s’étend sur 160 hectares et le blé pour consommation humaine sur une cinquantaine d’hectares.

Le climat de la région, avec ses 2 450 unités thermiques, explique que la priorité soit donnée au maïs et au soya dans les champs. Maxime précise toutefois que la production de céréales est en croissance à la ferme. « On cultive maintenant plus de céréales parce que les coûts de production sont moindres et les revenus intéressants. Et à l’occasion, on récolte la paille selon la demande. Mais on est pas mal au maximum de notre capacité du côté des céréales. »

En fait, l’entreprise se heurte à sa capacité de récolte avec une seule moissonneuse-batteuse. « À ce moment-ci, il serait difficile de faire plus de céréales, explique Maxime. La qualité pourrait s’en ressentir parce que le temps de récolte est court et notre calendrier est assez serré à partir de la mi-août. Comme on ne veut pas tourner les coins ronds parce que la qualité, c’est important pour nous, on préfère se limiter dans la culture de céréales. »

Le jeune Maxime Gagnon est devenu copropriétaire de l’entreprise familiale en 2017 peu après ses études à l’ITA et a activement participé  à l’expansion de l’entreprise.
Le jeune Maxime Gagnon est devenu copropriétaire de l’entreprise familiale en 2017 peu après ses études à l’ITA et a activement participé à l’expansion de l’entreprise.

Les résultats sont au rendez-vous avec des rendements de près de 9 tonnes à l’hectare dans le maïs, 3 tonnes à l’hectare pour le soya, 4,5 tonnes à l’hectare dans l’avoine, 3,7 tonnes à l’hectare pour le blé de printemps et près de 5 tonnes à l’hectare pour le blé d’automne.

« Depuis environ huit ans, nos rendements sont en hausse constante, explique Maxime. Seulement depuis deux ans, ils ont augmenté de plus de 10 %. » 

D’un pas sûr, Fernand Gagnon traverse  la route devant sa résidence pour poser  fièrement devant la croix que lui et  des paroissiens ont fait ériger en 2008 à la  demande de son frère Denis, un Père blanc  qui a exercé en Afrique une grande partie de sa vie.
D’un pas sûr, Fernand Gagnon traverse la route devant sa résidence pour poser fièrement devant la croix que lui et des paroissiens ont fait ériger en 2008 à la demande de son frère Denis, un Père blanc qui a exercé en Afrique une grande partie de sa vie.

Des performances que le jeune producteur attribue à plusieurs facteurs : les travaux de drainage et nivelage effectués dans les champs et la réduction de la compaction avec la limitation du travail du sol. « Le travail du sol se fait essentiellement à l’automne. On préfère effectuer un minimum de travail au printemps », explique Maxime. 

Il y a aussi les changements réalisés dans les pratiques culturales, résultats du bagage de connaissances ramenées par Maxime de sa formation à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA). « Quand je suis arrivé à la ferme, mon père était partant pour mettre à l’essai les cultures de couverture. Évidemment, l’engrais vert, ça amène son lot de défis, notamment avec les températures plus froides. J’essaie de privilégier des végétaux peu coûteux qui font de la biomasse rapidement et qui réagissent mieux au froid. J’utilise beaucoup la moutarde et le radis, mais si on les sème trop tard, ils n’auront pas le temps de lever. » 

Le tournant de 2005

La production de grandes cultures à la Ferme Jean-Pierre Gagnon a connu son véritable envol au tournant des années 2000, plus précisément en 2005 lorsque la production laitière a été abandonnée. Jean-Pierre Gagnon avait pris les rênes de l’entreprise environ 15 ans plus tôt.

« J’aimais vraiment l’élevage, la production laitière, mais l’entreprise se trouvait à la croisée des chemins comme bien d’autres à l’époque. On avait un petit troupeau d’une trentaine de vaches. Il fallait se décider à investir pour augmenter le troupeau, et surtout, moderniser les installations et aussi abandonner d’autres activités parallèles. En plus, j’ai eu des opportunités d’acquérir des terres. J’ai donc fait le choix de vendre le troupeau pour me consacrer à la culture. »

Son père Fernand, encore très actif dans l’entreprise à l’époque, dit ne pas avoir douté de la pertinence des décisions de son fils. « On était rendus là, dit-il. On est passés à autre chose et je l’ai aidé à faire la transition. »

Ainsi, le premier grand coup était donné. Le suivant n’allait pas tarder avec l’intégration de la cinquième génération dans les activités de l’exploitation. Pour Maxime Gagnon, il a toujours été clair que son avenir était à la ferme.

Le premier complexe de traitement de grains est encore bien visible  sur la propriété, mais beaucoup  moins utilisé.
Le premier complexe de traitement de grains est encore bien visible sur la propriété, mais beaucoup moins utilisé.

« J’ai connu ça toute ma vie, dit le jeune homme de 25 ans. J’ai toujours suivi mon père et mon grand-père, alors pour moi, c’était clair que je prenais la relève. »

Après ses études à l’ITA de Saint-Hyacinthe, il est donc revenu dans son Saint-Prosper natal pour devenir presque aussitôt copropriétaire de l’entreprise. Dans le partage des tâches avec son « partenaire », il a principalement la responsabilité de l’entretien de la flotte de véhicules et de machinerie. Il est d’ailleurs propriétaire de l’entreprise Transport Prosper dont la flotte de trois camions sert au transport du grain et de la tourbe que produit aussi l’entreprise.

Maxime est également responsable des activités des deux centres de traitement de grains, le principal étant situé à quelques kilomètres. Ces installations ont été acquises il y a quelques années et ont subi quelques transformations afin de mieux répondre aux besoins de l’entreprise. « Le centre de traitement fonctionne au maximum de sa capacité, explique Maxime. On récolte pour d’autres producteurs et c’est automatiquement traité dans nos installations. » Ce travail à forfait pour des producteurs des environs représente environ 15 % du travail de récolte et de traitement des grains.

L’entretien de la flotte de camions et d’équipement est la responsabilité  de Maxime, qui participe aussi aux travaux aux champs le moment venu.
L’entretien de la flotte de camions et d’équipement est la responsabilité de Maxime, qui participe aussi aux travaux aux champs le moment venu.

De son côté, Jean-Pierre Gagnon est chargé principalement des travaux aux champs avec la gestion du personnel, l’entreprise employant jusqu’à huit personnes incluant les chauffeurs de camion.

Père et fils se partagent l’élaboration des projets de croissance. « C’est certain qu’on a des projets, dit Jean-Pierre Gagnon. Bien sûr, il faut être à l’affût des changements, des nouveautés. J’ai confiance en l’avenir, dans le développement de l’agriculture, surtout lorsque je vois les jeunes et leur façon de travailler. J’ai l’impression qu’ils travaillent plus intelligemment et n’ont pas peur d’utiliser de nouveaux outils qui leur permettent d’aller plus loin. »

Jean-Pierre et Maxime Gagnon disent aussi avoir la responsabilité de garder bien ardente « la flamme du métier », une passion qu’ils partagent tous les deux.


Cet article a été publié dans la revue GRAINS de septembre 2022.