Actualités 30 novembre 2020

Chanvre : une production bio à intégrer aux rotations

Les exigences des acheteurs quant à l’absence de graines de mauvaises herbes dans leurs livraisons obligent les producteurs de chanvre à semer dans un sol très propre. La faible compétitivité du chanvre durant les premières semaines rend encore plus importante cette condition. Il n’en demeure pas moins que Christian Taillon, copropriétaire de la Ferme Taillon et Fils inc., se félicite d’intégrer cette production dans ses rotations bio de quatre, cinq ou six ans après les prairies parce qu’elle brise le cycle des maladies et des mauvaises herbes.

Après un travail du sol standard, Christian Taillon sème plein champ autour du 28 mai puisque le chanvre est sensible à la photopériode. « Il faut que ça germe rapidement, explique-t-il. On ne tripe pas sur le sarclage et les peignes. On préfère mettre nos efforts sur des lits de semence propres. Nous visons 150 plants au mètre, et le feuillage doit couvrir tout le sol au bout de trois semaines. Si oui, c’est gagné. »

Les grains des cultivars GranMa et CanMa sont déposés à 2 ou 3 cm de profondeur. Comme ils sont petits, il faut un sol bien émietté pour favoriser le contact, ainsi qu’un bon taux d’humidité. Une température à 10 °C est idéale. Les champs de la ferme sont composés de loam argileux avec des parties plus sableuses, ce qui serait bien adapté à la culture du chanvre. Il en va de même pour le climat frais et humide de la région.

Étapes critiques

Le chanvre est une plante dioïque. Les plants femelles produisent les graines, et les plants mâles, qu’il faut quand même récolter, meurent après la fécondation. La maturité des graines commence 40 jours après la pleine floraison. C’est une étape importante pour s’assurer de répondre aux exigences des acheteurs.

À la récolte, Christian utilise une moissonneuse conventionnelle qu’il adapte. Il faut également éviter les bourrages et l’enroulement des tiges ligneuses autour des pièces mobiles. « Ça peut même mettre le feu dans la batteuse, raconte-t-il. Des fois, tu peux perdre une journée pour débourrer. » C’est pourquoi on récolte souvent les derniers 60 cm des plants debout pour récupérer les caboches où se trouvent les graines. Les variétés à graines mesurent parfois 2 mètres.

« Après la récolte, il faut réduire le taux d’humidité de 20 ou 24 % à 8 % dans les 12 heures pour éviter la formation de bactéries et de moisissures. Cela évidemment après avoir enlevé le plus possible la verdure dans un prénettoyeur », poursuit-il.

La Ferme Taillon et Fils a récolté ses graines de chanvre les 21 et 22 septembre et Christian s’attend à dépasser le rendement moyen de la région, qui est de 0,9 tonne à l’hectare. Le prix est de 3 070 $ la tonne. « C’est une excellente année », se félicite le producteur.


La fibre de chanvre, un marché à développer

« Le marché de la fibre pourrait éventuellement nous aider, estime le producteur Christian Taillon. Mais c’est encore beaucoup de troubles pour peu de revenus. » Le copropriétaire de la Ferme Taillon et Fils inc. ne doute pas qu’il y ait un avenir pour ce secteur au Québec, et les producteurs de sa région soutiennent les initiatives en ce sens.

Cette année, ils ont cependant dû se résigner à enfouir leur paille puisque les acheteurs demandent qu’elle soit mise en balles carrées plutôt qu’en balles rondes, une opération qui les aurait obligés à donner ce coûteux travail à forfait.

L’agronome Olivier Lalonde, responsable des approvisionnements de l’entreprise Agrofibres, de Lavaltrie, reconnaît que la production de chanvre au Québec est très majoritairement, sinon uniquement, destinée à la graine. « La fibre est un sous-produit qui peut compléter les revenus des producteurs », dit-il. Son entreprise verse 175 $ la tonne à la ferme, pour de la paille de chanvre à moins de 15 % d’humidité et sans trop de mauvaises herbes.

Certains cultivars utilisés pour la graine peuvent donner des rendements supérieurs en fibres. Il revient aux producteurs de faire leur choix pour une meilleure rentabilité en tenant compte des unités thermiques de leur région. L’agronome estime que les cultivars pour la fibre peuvent donner jusqu’à cinq tonnes à l’hectare tandis que ceux pour la graine, à tige plus courte, oscillent autour de 2 tonnes. Des compromis sont donc possibles.

La culture du chanvre pour la fibre est beaucoup plus développée en Europe où ce produit est utilisé dans davantage d’industries. La fibre du chanvre, qui peut être utilisée en production textile, représente l’écorce de la tige. L’autre composante fibreuse de la plante est la chènevotte, qui se retrouve au cœur de la tige. En Europe, elle sert à la fabrication de litière animale, de matière isolante ou encore de panneaux de particules.

Olivier Lalonde croit que le chanvre est une production de niche qui intéressera les producteurs d’élite québécois comme ceux qui se sont lancés dans l’orge brassicole ou le soya IP. Il estime que la baisse des superficies au Québec, qui sont passées, selon Santé Canada, de 1 546 hectares en 2018 à 1 204 en 2019, semble se poursuivre. Elle serait principalement due aux exportations de la Chine qui a volé des parts de marchés au Canada. 


Cet article est paru dans l’édition d’octobre du magazine GRAINS.