Actualités 4 novembre 2021

Attention! Le prix des grains baissera, estiment des experts

Les producteurs qui investissent actuellement dans l’achat de terre et de machinerie en se disant que le prix du maïs demeurera près de 300 $/t et celui du soya près de 600 $/t pourraient avoir de mauvaises surprises, croient trois experts en commercialisation des grains contactés par La Terre. En effet, leurs prévisions demeurent plutôt baissières à moyen terme.

Ramzy Yelda, Producteurs de grains du Québec

« La probabilité est faible qu’on ait en 2022 une récolte décevante aux États-Unis, combinée de nouveau à des sécheresses en Ukraine, en Russie, au Canada et au Brésil. Et pour la demande, les signaux indiquent un plafonnement des importations chinoises de grains pour 2022. Une pression baissière s’exercera donc sur le marché au printemps », anticipe Ramzy Yelda, analyste principal des marchés aux Producteurs de grains du Québec. Il précise que les prix pourraient être de neutre à haussier pour les six prochains mois, mais fléchir par la suite sous les 250 $/t pour le maïs et sous les 475 $/t pour le soya. Évidemment, une grande part du mystère entoure la météo de l’an prochain, car une autre sécheresse pourrait faire exploser les prix de nouveau. À l’inverse, une bonne récolte de soya et de maïs au Brésil (qui s’enligne pour être record) et des semis effectués dans de bonnes conditions dans le Midwest américain ce printemps pourraient intensifier le mouvement ­baissier. M. Yelda croit par ailleurs que le prix du blé fourrager et animal sera baissier en 2022 et celui du blé de printemps pour consommation humaine, très baissier.

Jean-Philippe Boucher, Services Grainwiz

Le président des Services Grainwiz, Jean-Philippe Boucher, remarque que la Chine est beaucoup moins agressive dans ses achats de soya. « La demande est moins bonne et les stocks sont à la hausse. Le seul paramètre qui aide présentement le soya, c’est le marché des huiles en Inde qui a un effet ricochet positif sur le soya. Aux États-Unis, les stocks sont plus importants qu’on pensait, car le prix du soya a fait ralentir les usines de trituration, qui en achètent moins. De plus, la récolte américaine 2021 est loin d’être mauvaise et celle du Brésil s’annonce excellente. La hausse du prix des engrais pourrait inciter des producteurs à semer davantage de soya. Bref, pas grand-chose de très positif », indique celui qui anticipe une baisse de prix du soya à la Bourse de Chicaco. « Ma plus grande crainte, c’est qu’on finisse l’année 2022 sous les 500 $/t », dit-il, précisant que la valeur locale au Québec pourrait toutefois surprendre en raison de la récolte catastrophique de canola et de soya dans l’Ouest canadien. Finalement, la hausse de la valeur du dollar canadien est à surveiller, car elle représente un facteur négatif pour les producteurs. Globalement, il prévoit que la tendance des prix sera neutre à négative pour le prix du soya de 2022.

Dans le cas du maïs, M. Boucher anticipe une évolution des prix plutôt au neutre. Les rendements 2021 seront très bons aux États-Unis sans oublier les Brésiliens qui devraient récolter de 20 à 25 millions de tonnes de plus de maïs. Pour ce qui est du prix local, il croit que l’excellente récolte ontarienne de maïs en 2021 fera reculer les bases québécoises. Au chapitre des points influençant positivement les prix, Jean-Philippe Boucher souligne que la demande de maïs par l’industrie de l’éthanol américaine s’accroît et que le prix haussier des engrais pourrait diminuer le nombre d’hectares de maïs en culture aux États-Unis. Évidemment, tout dépendra de la météo, mais il recommande aux producteurs de profiter des bons prix pour vendre d’avance une portion de la récolte maïs-soya 2022.

Pour les céréales, il entrevoit de très bons prix pour l’avoine et le canola. Les très faibles récoltes de blé en 2021 ont fait diminuer les stocks, mais les pays qui ont l’habitude d’acheter de gros volumes jouent à l’écureuil en cette période de ­pandémie et d’inflation, ce qui crée une demande artificielle.

Richard Villeneuve, Sollio & Grains Québec

Le directeur de Sollio & Grains Québec, Richard Villeneuve, entrevoit un mouvement baissier des futurs prix du maïs, du soya et du blé. « La demande formidable de la Chine a soutenu le prix. On pense que les opportunités sont vraiment intéressantes actuellement, mais on voit difficilement comment cela pourrait se maintenir sur une longue période », dépeint M. Villeneuve. Il évalue que les prix élevés des grains inciteront des producteurs du monde entier à accroître leur superficie en cultures ce qui devrait ­augmenter l’offre, sans être certain que la demande suivra. En deux mots, il conseille lui aussi aux producteurs de profiter des marchés actuels. 

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