Bio 23 mai 2021

Charançon de la prune – Un broyeur pour couper court aux nouvelles générations

Alors que les méthodes de lutte contre le charançon de la prune en verger bio font cruellement défaut, une équipe du Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel (CRAM) a décidé d’employer les grands moyens en testant un prototype de broyeur à feuilles pour hacher menu l’insecte. Les premiers essais s’avèrent prometteurs.

Le charançon de la prune s’en prend aux fruits de la plupart des arbres de la famille des rosacées. Il produit une génération par année.
Le charançon de la prune s’en prend aux fruits de la plupart des arbres de la famille des rosacées. Il produit une génération par année. Photos : Gracieuseté du CRAM

Nuisible bien connu des pomiculteurs, le charançon de la prune peut endommager jusqu’à 90 % des fruits d’un verger. En régie bio, le défi de contrôler efficacement l’insecte est d’autant plus grand qu’on ne lui connaît pas d’ennemis naturels et que le seul produit qui peut être employé est le kaolin, une argile qui dissuade la femelle de piquer la pomme. « On s’est demandé si on pouvait trouver une autre façon de le contrôler », expose Steve Lamothe, biologiste spécialisé dans l’étude du charançon de la prune en verger au CRAM.

L’équipe du CRAM a exploré cette possibilité en utilisant Eliminae, un prototype de broyeur de litière développé par l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement dans le cadre d’un projet qui visait à diminuer l’inoculum de tavelure en détruisant les feuilles tavelées au sol.

« Dès la nouaison, la femelle charançon pique les pommettes pour y placer ses œufs. Lorsque ceux-ci se transforment en larves, les fruits tombent au sol et nous avons une fenêtre d’intervention de deux semaines en juillet (NDLR : June drop) avant que les larves deviennent des pupes et pénètrent dans le sol », explique Manon Laroche, agronome et professionnelle de recherche au CRAM.

Pour mesurer l’effet du broyeur sur le charançon, l’équipe du CRAM a installé des cages d’émergence pour piéger les adultes. Photos : Gracieuseté du CRAM
Pour mesurer l’effet du broyeur sur le charançon, l’équipe du CRAM a installé des cages d’émergence pour piéger les adultes.

L’équipe du CRAM a émis l’hypothèse qu’en modifiant le broyeur Eliminae pour détruire les pommettes, on pourrait ainsi tuer les larves, ou à tout de moins, perturber le cycle biologique de l’insecte en vue de diminuer la population des générations ­subséquentes.

Trois types de parcelles

Pour valider leur hypothèse, le CRAM a mené des modifications et des essais de 2018 à 2020 au Verger bio d’Oka. Lors de la June drop, des pommettes avec des dommages de charançon étaient éparpillées sur trois types de parcelles. L’une d’elles recevait seulement le passage du broyeur; une autre recevait le broyeur, suivi d’une application d’Entrust; et une troisième demeurait intacte.

Après quoi, les chercheurs ont effectué, de juillet à septembre, un suivi de l’émergence des charançons adultes en plaçant des cages d’émergence sur les parcelles. Résultat : le passage du broyeur Eliminae a permis de réduire de façon significative le nombre de charançons de la prune dans les parcelles où il a été utilisé en 2019 et la même tendance a été observée l’année suivante, mais dans une moindre mesure. Par ailleurs, l’application d’Entrust n’entraînait pas ­d’impact sur la mortalité du charançon.

Tout au long des essais, quelques modifications ont été apportées à l’andaineur du broyeur. Mentionnons son déplacement vers le côté du tracteur pour améliorer la visibilité de l’opérateur, le retrait de la roue de soutien et le renforcement du bloc moteur. Le CRAM a également testé l’efficacité de différentes brosses.

La brosse de balai de rue en acier s’est avérée assez efficace pour aller chercher les pommettes sur l’herbe.
La brosse de balai de rue en acier s’est avérée assez efficace pour aller chercher les pommettes sur l’herbe.

« Les premiers essais avec les brosses en caoutchouc et en LDPE ont été peu concluants, car elles étaient trop souples pour aller chercher les pommettes sur une surface gazonnée et irrégulière. En revanche, les brosses de balai de rue avec un angle d’attaque de 20 ou 25 degrés se sont avérées assez intéressantes », commente Steve Lamothe.

Si beaucoup de paramètres restent à déterminer quant à l’utilisation du broyeur, comme la fréquence de passages pour réduire la population de charançons ou le meilleur moment d’intervention, l’équipe du CRAM croit au potentiel du prototype. « Le passage du broyeur peut perturber la prochaine génération, mais il est encore difficile d’évaluer si cela va diminuer la population dans un verger, nuance le biologiste. Cela étant dit, je pense que tous les éléments sont là pour qu’un producteur puisse utiliser le prototype, le mettre à l’essai et mesurer les résultats sur le long terme. »