Alimentation 26 août 2014

Que vont devenir les règles québécoises d’étiquetage des produits laitiers?

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L’industrie oléagineuse de l’Ouest canadien a eu raison de l’industrie laitière de l’est du pays dans la bataille sur les substituts laitiers.

À la suite d’une plainte de la Saskatchewan, le Québec devra en effet revoir sa législation sur les mélanges et les succédanés laitiers qui, selon le groupe spécial créé en vertu de l’Accord sur le commerce intérieur (ACI), constitue un obstacle au commerce intérieur. Dans sa décision rendue publique le 30 avril dernier, le groupe spécial ordonne au Québec de corriger le tir au plus tard le 31 décembre 2014. Le Québec refuse toutefois d’abroger la partie de sa législation qui porte sur les règles d’étiquetage des produits laitiers et a décidé d’en appeler de la décision devant un groupe spécial d’appel.

Entre autres arguments, la Saskatchewan, appuyée par la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Manitoba, a invoqué que la Loi sur les produits alimentaires du Québec crée une discrimination en faveur de ses producteurs et transformateurs laitiers, au détriment des producteurs et triturateurs d’oléagineux ainsi que des fabricants de substituts laitiers. La Saskatchewan ajoute que cette législation restreint l’exportation de ceux-ci au Québec, ce qui a pour effet de diminuer la demande pour ces produits et de freiner l’innovation dans tout le Canada, vu la taille de son marché.

Le Québec avait consenti à abroger certains articles de sa loi sur les produits alimentaires qui interdisent la vente, la fabrication et la commercialisation des substituts laitiers sur son marché. Le gouvernement avait en ce sens déposé le projet de loi 56, le 19 septembre 2013, à l’Assemblée nationale. Celui-ci n’a toutefois pas été adopté.

Après analyse, il semble que l’impact de l’entrée d’oléobeurres sur le marché québécois serait limité. Les ventes de beurre, longtemps en baisse, se sont stabilisées et se trouvent même en progression, alors que la margarine continue de perdre des parts de marché.

Les producteurs de lait avaient averti le gouvernement du Québec que son appui aux modifications à l’Accord sur le commerce intérieur (ACI), en 2009, l’empêcherait de maintenir sa réglementation sur les substituts laitiers. Ces modifications renforçaient entre autres les mesures coercitives obligeant les provinces à se soumettre aux décisions des groupes spéciaux.

Étiquetage

Le groupe spécial a conclu que l’interdiction d’utiliser les mots « lait », « crème », « beurre » et « fromage » pour un succédané de produit laitier, comme prévu à sa loi sur les produits alimentaires, crée un obstacle au commerce intérieur.

Le groupe spécial n’a pas retenu l’argumentation du Québec voulant que ces dispositions respectent l’ACI parce qu’elles sont conformes à la norme internationale du Codex Alimentarius intitulée Norme générale Codex pour l’utilisation des termes de laiterie. Cette norme a été établie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en 1963. « La conformité avec une norme nationale ou internationale ou le respect de celle-ci peut servir de preuve pour établir la conformité avec les dispositions de l’ACI, mais n’équivaut pas, de façon automatique, à telle conformité », note le groupe spécial. Ce dernier souligne que les dispositions québécoises sont nettement plus prohibitives que celles du Codex Alimentarius.

Les trois membres du groupe spécial ont aussi balayé du revers de la main la contestation de leur compétence à disposer du volet étiquetage des produits laitiers, avancée par le Québec. Le groupe spécial a aussi réfuté l’argument de la protection du choix des consommateurs.

En 2010, un groupe spécial formé en vertu de l’ACI a jugé que la protection du consommateur ne constitue pas un objectif légitime justifiant des mesures restreignant le commerce des substituts laitiers. Le Québec a donc toute une pente à remonter pour avoir gain de cause.