Alimentation 26 août 2014

La filière laitière québécoise dit non au lait à rabais

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MONTRÉAL — Les acteurs de la filière laitière du Québec refusent que le lait soit vendu au rabais et devienne, comme la bière, un produit visant à attirer la clientèle dans les épiceries et les supermarchés.

C’est aussi la position avancée par les consommateurs (Association coopérative d’économie familiale [ACEF] de Québec) et par l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ) devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ), le 29 janvier dernier.

En conséquence, tous ces intervenants ont réclamé le maintien de la réglementation provinciale qui édicte des prix minimums et maximums sur le lait régulier afin d’éviter une guerre de prix dont les petites laiteries et les consommateurs feront les frais, à long terme. « Rien ne justifie l’abrogation du règlement », a déclaré le vice-président aux Affaires institutionnelles et communications chez Agropur, Dominique Benoît.

Le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD), qui regroupe les Metro, Sobeys, Loblaws, Walmart, Costco et Target de ce monde, constitue la seule exception à cette unanimité. Vice-présidente pour le Québec, Nathalie Saint-Pierre a refusé de se prononcer sur l’opportunité de revoir ou non cette réglementation, une prérogative du législateur, ainsi que sur l’impact de son abolition.

Unanimité

Tous les acteurs (sauf le CCCD) ont convenu que le lait constitue un produit de base essentiel qui doit demeurer accessible partout au Québec, à un prix raisonnable, grâce à un nombre suffisant de laiteries et de commerces de détail.

À l’unisson, ils estiment qu’une déréglementation entraînerait une guerre de prix que ne pourraient soutenir les détaillants indépendants et les détaillants propriétaires, pas plus que les petites laiteries.

Président-directeur général de l’ADAQ, Florent Gravel a confirmé que « les pertes sont actuellement plafonnées, mais dans un marché déréglementé, des milliers de commerçants ne seraient tout simplement plus capables d’offrir du lait à prix compétitif ».

Une telle guerre concentrerait encore plus le pouvoir d’achat du lait entre les mains des grandes corporations et engendrerait une forte disparité de prix entre les consommateurs urbains et ruraux au Québec, comme c’est le cas en Ontario.

Mise en marché ordonnée

Denis Chagnon, propriétaire de la Laiterie Chagnon, à Waterloo, a confié à la Terre que les prix minimums constituent une protection pour les petites laiteries étant donné le déséquilibre des forces en présence, tant sur le plan de la transformation, où Agropur et Parmalat occupent 90 % du marché du lait frais, que de la distribution avec les grandes chaînes.

Alain Chalifoux, vice-président de la Laiterie Chalifoux à Sorel, a illustré que l’abolition des prix minimums se solderait par la disparition des laitiers indépendants qui distribuent ses produits aux foyers, un volet qui équivaut à 40 % de son chiffre d’affaires.

Il était par ailleurs incongru d’apprendre que des détaillants de Sorel vendent le lait Chalifoux 0,05 $ plus cher le litre que le lait provenant de l’extérieur de la région. Un coup bas pour la consommation locale.

Utiliser le lait comme produit d’appel peut momentanément avantager les consommateurs, a pour sa part signalé Alain Bourbeau, directeur général de la Fédération des producteurs de lait du Québec. Mais cette pratique ne favorise pas la mise en marché ordonnée à long terme parce que la notion de juste prix est faussée.

M. Bourbeau a aussi noté la préoccupation de la Fédération pour le sort des laiteries de petite taille et leur présence sur le territoire en cas de déréglementation.