Alimentation 13 mai 2018

Un élevage d’insectes à l’étude pour remplir l’assiette

Au local F-007 du Cégep Saint-Jean-sur-Richelieu, deux étudiants sont en mission. Tout comme James Bond, ils espionnent des individus… mais à six pattes. Avec leur élevage de ténébrions « sous surveillance », ils espèrent obtenir un maximum de données pour démarrer leur propre projet de ferme d’insectes destinés à la consommation humaine.

En début d’année, Jérémi Côté et Bertrand Espougne, du programme de gestion et technologies d’entreprise agricole, ont réussi à convaincre la direction de laisser entrer des vers de farine au cégep. « Ils pensaient qu’on allait avoir une invasion, qu’il y en aurait partout! Il a fallu les rassurer », confie Bertrand.

Ils ont finalement trouvé l’appui nécessaire pour démarrer leur projet, qui s’inscrit bien dans leur cheminement avec les cours de fertilisation, de production animale ou de gestion, fait valoir Jérémi. De plus, leur élevage requiert peu d’espace, car il consiste en quelques bacs installés dans une grande armoire.

Certains d’entre eux contiennent jusqu’à 10 000 larves, soit plus d’un kilo de matière riche en protéines. Pour 100 g de vers de farine, on compte de 14 à 25 g de protéines, soit l’équivalent du bœuf haché. « C’est énorme pour une si petite surface [de production] », fait remarquer Jérémi.

Gracieuseté de Bertrand Espougne
Gracieuseté de Bertrand Espougne

Tout documenter

Peu de données sont disponibles concernant les méthodes d’élevage et la rentabilité d’un tel projet. « Si je veux me lancer dans le blé, je vais savoir comment faire, car tout a déjà été écrit. Mais pour les insectes, il n’y a pas grand-chose »,
soutient  Jérémi.

Les deux étudiants consacrent environ trois heures par jour à documenter leur élevage. Entre autres découvertes, ils ont constaté que les larves semblaient grossir plus vite dans le son de blé que dans celui d’avoine. Mais pour l’instant, aucune observation n’est coulée dans le béton.

L’un des plus gros défis sera de rendre cette production accessible et peu coûteuse. « Le plus cher, c’est la main-d’œuvre. On veut la limiter au maximum, car on ne pourra pas toujours trier les bacs au tamis manuellement », poursuit Bertrand.

Croquants sous la dent

Diplômé de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), Bertrand n’a pas hésité à combiner sa passion pour la cuisine à ses nouvelles études. « Lorsque j’ai fait la dégustation à l’Insectarium de Montréal, j’ai été surpris de découvrir différents goûts et textures », mentionne-t-il, évoquant le goût de maïs ou de graines torréfiées des ténébrions.

Tout récemment, les deux étudiants ont convié leurs collègues à une dégustation de brownies aux ténébrions. Selon un sondage qu’ils ont effectué, les gens seraient plus enclins à consommer des insectes sous forme de farine – dans du pain ou des pâtes – pour éviter de voir « leurs petites pattes, leurs petits yeux ».

« Même moi qui suis à fond dans le projet, j’ai une grosse barrière psychologique! Mais je peux faire de la sensibilisation avec ça, avoue Jérémi. Les gens ont peur que ce soit gluant, mais [en réalité], c’est sec. »

Le petit manuel du ténébrion

Aussi appelé ver de farine, le ténébrion meunier est un excellent candidat à l’élevage domestique. Il suffit d’une soixantaine de larves, faciles à trouver en animalerie, pour commencer un élevage. Un morceau de carotte leur fournit eau et nourriture.

Les ténébrions meuniers adultes ont des ailes, mais sont incapables de voler… donc de s’enfuir de leurs bacs. Surtout lorsqu’ils sont à l’état de larves, prêtes à être cuisinées!