Alimentation 2 novembre 2018

Moins de raisins, mais toujours plus de demande

Alors que les vendanges tirent à leur fin, les vignerons constatent qu’ils ont récolté moins de raisins qu’à l’habitude, même si la qualité y est. Pendant ce temps, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à boire des vins québécois, à un point tel que plusieurs réserves sont à sec.

Les viticulteurs ont connu une baisse d’environ 30 % du volume habituel, estime Yvan Quirion, de l’Association des vignerons du Québec (AVQ). Celui qui est aussi propriétaire du Vignoble du Domaine Saint-Jacques en Montérégie blâme la combinaison de nuits très froides et d’un redoux l’hiver dernier. La chaleur soutenue durant l’été a également affaibli la capacité de production des vignes.

Soubresauts du climat

« C’est la première fois en 20 ans que c’est radical de même », renchérit André Lauzon, copropriétaire du Vignoble Les Vents d’Ange à Saint-Joseph-du-Lac, dans les Laurentides. Les bourgeons ont été affectés par le premier gel survenu à la mi-décembre, soit plus tôt qu’à l’habitude. « Mes vignes n’ont pas eu le temps de s’acclimater », déplore celui qui cultive des hybrides américains. 

Alors qu’il récolte habituellement environ huit tonnes de raisin par hectare, M. Lauzon n’a pas réussi à atteindre la moitié de ce volume. « Dans certains secteurs du vignoble, on était à deux tonnes seulement », précise-t-il. Chose certaine, « l’hiver a été assez fatal », témoigne Théo Voisin, maître de chai au Vignoble Coteau Rougemont. « Les redoux, c’est difficile pour les hybrides. Les bourgeons s’ouvrent en présumant que c’est le printemps », ce qui a déstabilisé les vignes, poursuit-il.

Ensuite, l’été très chaud a freiné la maturation des raisins en raison du manque d’eau. Au Vignoble Coteau Rougemont, tant les parcelles de frontenac que celles de vitis vinifera, aussi appelés cépages nobles ou européens comme le chardonnay et le pinot noir, en ont souffert. Plusieurs vignerons ont d’ailleurs rapporté avoir eu une grande baisse de régime en lien avec le frontenac, un cépage rustique répandu au Québec, souligne M. Quirion.

Du côté du Vignoble La Bauge à Brigham, en Estrie, Simon Naud est relativement satisfait du rendement de ses vignes cette année. Celui qui a été l’un des premiers à cultiver du frontenac dès 2000 n’a rien à reprocher à ce cépage. Il a récolté pratiquement autant de raisins qu’à l’habitude. Par contre, il s’est rendu compte que les fruits contenaient moins d’eau au moment de la presse. Malgré tout, « c’est une saison record comme je n’ai jamais vu. Du point de vue qualitatif, on aura des vins assez exceptionnels », projette-t-il. 

Épuisement des stocks

Alors qu’il s’apprête à embouteiller le fruit de sa nouvelle récolte, Stéphane Lamarre du vignoble Château de cartes à Dunham, en Estrie, a déjà épuisé ses cinq vins de la saison 2017.

Même scénario pour André Lauzon, du Vignoble Les Vents d’Ange. « Il ne me reste que deux palettes de blanc au vignoble. On risque d’arriver juste, car nos nouvelles bouteilles seront prêtes seulement au début décembre », précise-t-il. Avec l’engouement pour les vins québécois, c’est un phénomène qu’on risque d’observer de plus en plus, croit M. Quirion. « Il faudra doubler nos surfaces de vignes rapidement. C’est inévitable si on veut aller de l’avant », dit-il.

« Ça fait 30 ans qu’on essaie de rallier les gens. Ça fait du bien de voir ça », conclut Simon Naud sur une note réjouissante.