À coeur ouvert 17 octobre 2019

Une fratrie déchirée

Le milieu agricole est réputé pour être familial. La ferme est transmise de génération en génération. Les valeurs de la famille sont souvent au cœur du métier de producteur et du mode de vie qui en découle. Mais qu’en est-il de celles qui se déchirent, de celles pour qui la relation n’a fait que s’envenimer?

« Jamais de ma vie je n’aurais pensé avoir à faire le deuil de ma sœur vivante. » Tels sont les mots de Patricia en parlant de sa sœur aînée. Leur mésentente dure depuis des années. « Ça n’a rien à voir avec la ferme, mais dans un contexte où, pour moi, la famille est importante, notre conflit me brise le cœur », ajoute l’agricultrice.

Enfant, Patricia rêvait d’habiter sur une terre. À présent, elle y vit avec son conjoint et leurs trois enfants. De son côté, sa sœur réside en ville. « Deux univers différents, deux façons de voir la vie », mentionne-t-elle. « Si je dis blanc, assurément, elle dira noir. À la longue, ça draine de l’énergie », poursuit-elle. À force de se faire raccrocher au nez et d’être déçue par cette relation toxique, Patricia a choisi de se détacher de ce conflit. « Je n’aurai jamais la sœur que j’aurais voulu. Je ne pourrai jamais partager mes bons moments avec elle, car nous sommes toujours à couteaux tirés. Pour moi, il est plus sain de faire un trait sur cette relation, de faire mon deuil », dit-elle avec tristesse.

Difficile sur le plan émotif

Faire le deuil d’une personne vivante est une épreuve en soi. Bien que Patricia ait décidé rationnellement de se dissocier de sa sœur, il n’en demeure pas moins que cela est extrêmement difficile sur le plan émotif.

« Je suis en conflit avec moi-même, car ce n’est pas le modèle que je veux transmettre à mes enfants. Pour moi, la famille, c’est sacré. Mais je n’ai pas de contrôle sur ma sœur ni sur son comportement. Je dois juste effectuer des choix en fonction de mon bien-être », précise-t-elle.

Il est préférable que Patricia coupe les contacts avec sa sœur et mise sur la relation positive qu’elle entretient avec sa belle-famille. « Nos bons moments en famille se font avec les frères et sœurs de mon conjoint. »

Patricia dit avoir fait le deuil de la famille parfaite. « Je n’en veux pas à mes parents, c’était trop difficile pour eux de prendre position dans notre conflit. Ils n’ont pas à choisir entre l’un ou l’autre de leurs enfants », poursuit-elle. Ce conflit familial lui ayant déjà causé assez de peine, il est maintenant temps que Patricia passe à autre chose. Elle veut à présent se concentrer sur le positif.

« C’est difficile de penser qu’elle ne fera pas partie de ma vie. En même temps, notre relation ne m’apporte rien de bon. On se parle, on s’engueule, puis on ne se parle plus pendant des années et ça recommence. Je mets donc un terme à ce yoyo-là », ajoute-t-elle.

Patricia a dû consulter afin de trouver la paix quant à sa relation avec sa sœur. L’ultime solution pour elle est d’en faire son deuil et d’apprécier tout ce qu’il y a de beau dans sa vie. Elle est heureuse à la campagne avec son conjoint et ses enfants, et entretient de bons rapports avec sa belle-famille. « À présent, ce sont eux, les membres de ma famille », conclut-elle.