À coeur ouvert 17 octobre 2018

Un retour aux études après la vie à la ferme

Lorsqu’on prend la décision de vendre l’exploitation familiale, cela implique son lot d’émotions, mais également de changements et d’incertitudes. Bien sûr, toute la famille est touchée de près ou de loin par ce changement de vie. On parle souvent du producteur qui vend son entreprise, mais qu’en est-il de sa conjointe, celle qui a aussi travaillé toute sa vie à la ferme? Quelles sont les conséquences sur son avenir? Comment réussit-elle à se relever de cette épreuve professionnelle, familiale et personnelle?

« Un jour, on a fait une remise en question : on arrête ou on continue? » raconte Jacinthe avec beaucoup d’émotion. Après avoir vendu l’entreprise, elle et son conjoint ont pris une année sabbatique pour « refaire le plein d’énergie » et réfléchir à leur avenir. 

coeur_ouvert_bourgoinJacinthe caressait le rêve de reprendre ses études. « Pourquoi? Je ne sais pas, mais je me disais depuis longtemps qu’un jour j’allais retourner à l’école. » Elle a entrepris une démarche en orientation et son choix s’est arrêté sur l’éducation spécialisée. Elle est donc retournée sur les bancs d’école à 45 ans. « Il y a eu des périodes de doute, c’est certain. Vais-je être la seule “vieille” dans ma classe? Comment négocier avec l’entourage parfois décourageant? » mentionne-t-elle.

« Le plus dur, c’est le jugement de ta gang, le regard des autres. Ils se demandaient pourquoi je retournais à l’école », se rappelle-t-elle. Évidemment, se remettre à jour avec les logiciels, l’étude et le « par cœur » pour les examens n’a pas été facile, mais Jacinthe ne regrette rien : « C’est une belle chose qui m’est arrivée. » 

L’agriculture utile dans son nouveau métier

En travaillant dans le domaine de la santé mentale après être retournée à l’école, elle réalise que son métier de productrice agricole lui sert constamment. « J’ai cette capacité à m’adapter rapidement à n’importe quelle situation. » Au début, elle se demandait comment l’ancienne fille qui « tirait des vaches » pourrait être intervenante. À présent, elle voit le lien : « Avant, je faisais de la psychologie animale pour faire avancer ma vache avec un licou. Maintenant, c’est de la psychologie humaine pour faire avancer et cheminer mes usagers. » Au fil du temps, elle réalise qu’elle a transformé l’épreuve difficile en quelque chose de positif. 

Pour ce qui est de la famille, tout le monde a dû gagner en autonomie. « Je ne pouvais plus être disponible et être à la maison comme avant, car je travaillais à l’extérieur. » Son conjoint, de son côté, s’est trouvé un emploi dans une compagnie de gazon. « Je ne l’aurais pas imaginé à l’usine. Il travaille à l’extérieur. Dehors, il est heureux », ajoute-t-elle.

« Le plus beau, c’est d’avoir exercé deux métiers dans la même vie! » L’agriculture fera toujours partie de sa vie. « Je me suis longtemps sentie en conflit de loyauté, comme si j’abandonnais mon clan de producteurs, car pour eux, j’abandonnais la terre », confie-t-elle. Aujourd’hui, elle voit dans ce changement de vie toute la réalisation de soi et l’accomplissement personnel qu’elle en tire. 

Comme le dit Jacinthe : « Ne pensez pas que vous êtes seulement bon dans une étable. Vous avez une grande capacité d’adaptation et de multiples talents. Il faut croire en ses rêves. »