À coeur ouvert 6 mars 2019

Être une jeune fille au milieu des hommes

La période de l’adolescence en est une de doutes, d’inconfort et de recherche d’identité. Être un adolescent sur une terre agricole vient avec son lot de pression, mais aussi de plaisir. Et si l’on prenait le temps d’écouter nos jeunes pour mieux les comprendre? J’ai rencontré Noémie, âgée de 15 ans, avec l’accord de ses parents. Son père est producteur laitier, tout comme son grand-père et les autres générations qui ont précédé ce dernier.

Noémie se passionne pour le métier depuis toujours. Les vaches, les tracteurs et les champs, ça la captive. Quand on lui demande ce qu’elle fera plus tard, elle répond sans hésiter : « Productrice! » De l’agriculture, elle en mange. Elle lit tout sur l’actualité laitière, écoute des reportages sur le bien-être animal, pose des questions sur ce métier et se renseigne constamment. Par contre, elle me confie qu’être une fille dans ce milieu majoritairement masculin n’est pas toujours évident. « Le plus frustrant, c’est lorsque les gens cherchent à savoir si mon frère aimerait reprendre la ferme sans même me regarder ou me demander si ça m’intéresse. » En effet, la « norme » consiste encore souvent à transférer la ferme de père en fils. Comme si, d’emblée, la fille ne pouvait et ne voulait pas devenir une relève. Il s’agit là d’un enjeu important lorsqu’on a 15 ans et que la compétition entre frère et sœur vient de l’extérieur de la famille. « Ce que je souhaite, c’est simplement de faire partie de l’équation quand on parle de l’entreprise. J’aimerais qu’on me demande mon avis », ajoute-t-elle. Même si son père ne lui met pas de pression, elle sent parfois qu’elle doit en faire plus. « Comme je suis une fille, j’ai l’impression de devoir travailler plus fort pour montrer mon potentiel. Je le fais, mais des fois, c’est dur », précise l’adolescente.

Noémie a l’intention d’étudier à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) afin de parfaire ses connaissances agricoles. Elle est bien consciente que le métier qu’elle veut choisir n’est pas le plus simple, mais pour elle, c’est le plus beau. « J’ai grandi à la ferme. J’y allais même avant de savoir marcher. Les animaux et les champs, c’est ce que je connais et ce que j’aime le plus au monde. Pour moi, l’agriculture, c’est plus qu’une passion, c’est un mode de vie », fait-elle valoir fièrement.

Avant de réaliser son rêve, il y aura des embûches sur son passage. Mais il est important de lui faire confiance, de lui laisser la place qu’elle veut avoir, sans lui en demander davantage qu’à un garçon. La barre est haute avant de reprendre l’entreprise familiale. Mais avant cette grande étape, Noémie peut encore profiter de son adolescence. Elle aura bien assez de sa vie d’adulte pour prouver qu’elle est à la hauteur dans ce monde d’hommes. Pour l’instant, elle veut simplement qu’on la considère comme une relève potentielle. « J’ai hâte que les mentalités changent et qu’on arrête de penser que c’est juste les gars qui peuvent travailler dans une ferme. »

S’il y a un message à retenir de cette rencontre, c’est sûrement d’être à l’écoute de la jeune génération. Parfois, dans la vie, il faut enlever ses œillères pour voir ce que l’autre peut nous apprendre. C’est le cas avec les adolescents : prendre le temps d’écouter ce qu’ils ont à dire, ce qu’ils ressentent et ce à quoi ils rêvent. Pour Noémie, tout est clair. « C’est ma vie, la ferme. Peu importe les difficultés, je vais y arriver. »