Actualités 23 septembre 2014

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Les producteurs ayant 2500 hectares en grandes cultures sont rares. Ceux qui vouent près de 70 % de cette superficie, soit 1700 hectares, à la régie biologique le sont encore plus! C’est le cas de l’entreprise Agri-Fusion 2000 inc., située à Saint-Polycarpe, à l’ouest de Montréal.

« La rentabilité du secteur des grandes cultures était très faible au tournant des années 2000, se remémore Gilles Audette, copropriétaire. Nous cherchions une alternative. Nous avons même songé au porc! Lorsque nous avons inséré les données de la production bio dans notre modèle prévisionnel, les deux bras nous sont tombés : même avec des scénarios négatifs, incluant de mauvais rendements, la culture biologique apparaissait comme une avenue très, très lucrative! »

Quelques terres ont tout d’abord été cultivées sans intrants et, à la suite de résultats intéressants, l’ensemble des superficies a été modifié en transition vers l’agriculture biologique. De l’aveu de M. Audette, changer les méthodes employées depuis 30 ans ne fut toutefois pas si facile. « Le kit de la parfaite transition n’existe pas. Il ne suffit pas de simplement remplacer les engrais chimiques par le fumier, et les herbicides par le sarclage. Le bio c’est un tout. L’interaction de plusieurs variables et l’effet des rotations, nous avons mis quelques années à les comprendre. Au départ, certains d’entre nous n’y croyaient pas, mais nous avons persévéré et réussi. »

1000 $ la tonne

Avis à ceux qui perçoivent les producteurs biologiques comme des individus moins performants et équipés à l’ancienne : chez Agri-Fusion 2000, c’est tout le contraire! Le parc de machinerie, notamment composé des sept tracteurs Fendt et de deux moissonneuses-batteuses huit rangs, vaut quelques millions de dollars. Et les rendements décrits par M. Audette impressionnent. « Nous avons obtenu lors des cinq dernières années des rendements supérieurs à la moyenne, laquelle inclut les producteurs conventionnels. Par exemple, nous avons compilé 3,7 tonnes à l’hectare dans le blé et 3,5 tonnes à l’hectare dans le soya. Concernant le maïs, nous atteignons toutefois des rendements un peu en deçà de la moyenne, avec 8,5 tonnes à l’hectare. Mais considérant le coût de production dans le maïs biologique, qui est d’environ 400 $ de moins à l’hectare, et le prix obtenu à la récolte, qui est d’environ 100 $ de plus la tonne, nous avons dégagé au final de meilleurs profits, comparativement à nos cultures de maïs conventionnelles. »

Le prix des récoltes biologiques en grandes cultures a diminué momentanément pour maintenant se stabiliser à des niveaux que M. Audette juge encore très rentables. Il ne cache toutefois pas qu’une année comme 2009, où son entreprise a vendu ses 1500 tonnes de soya à 1000 $ la tonne, les a rendus particulièrement fiers de leurs récoltes biologiques…

Santé au sol!

La rentabilité n’est pas le seul attrait du bio, aux yeux de M. Audette. Il y associe également la pérennité des cultures. « Depuis 25 ans, on a abandonné la base de l’agriculture : les rotations. Tout est orienté sur le rapport N-P-K. Le sol n’existe pas. On s’imaginait qu’avec la manipulation génétique et les pesticides, nous serions capables de tout régler. C’est loin d’être le cas. Ici, nos champs de blé bio n’ont pratiquement pas de problèmes de fusariose, ce qui est littéralement l’inverse dans les champs de blé ayant reçu des applications de glyphosate… Dans la production conventionnelle, les rendements du soya tendent à baisser et, drôle de hasard, le guide du CÉROM indiquait encore une fois cette année que les semences de soya non OGM employées dans leurs parcelles ont produit des rendements 5 à 7 % plus élevés que les semences OGM. Le bio pour moi, c’est une agriculture durable et des sols en santé. »

Agri-Fusion 2000 produit ses propres semences de soya et de blé, une autonomie que les propriétaires apprécient au plus haut point. « Dans l’agriculture conventionnelle, l’industrie est omniprésente et omnipuissante, souligne M. Audette. Le producteur d’aujourd’hui est pratiquement confiné dans la roue des consortiums de semences, d’engrais et même d’équipements, qui dirigent ses choix. Mais n’oublions pas que les compagnies d’intrants travaillent avant tout pour elles-mêmes. »

Projet futur

L’entreprise planche maintenant sur l’autofertilisation des champs. Pour ce faire, elle compte ajouter une quatrième culture dans ses rotations, qui représentera peut-être un débouché supplémentaire, soit les pois de conservation (biologiques, il va sans dire!).

« L’idée consiste à implanter une deuxième culture de courte durée qui nous permettra de cultiver un engrais vert pouvant générer assez d’azote afin de cesser les applications de fumier. L’an dernier, nous avons généré de bons rendements de maïs sur une terre qui n’avait reçu aucune application de fertilisants depuis deux ans. La seule source d’azote provenait du trèfle, semé à la volée dans le blé. Être quasi autosuffisant en fertilisants nous procurerait une gestion extrêmement intéressante de nos coûts de production », d’affirmer Gilles Audette.

Les photos publiées dans ce texte ont été prises le 12 mai 2011 et illustrent les nombreux travaux effectués simultanément chez Agri-Fusion 2000. « Nous sommes un peu suréquipés, mais nous n’avons pas le choix. D’une part, la fenêtre d’opération est encore plus courte dans le bio; d’autre part, il faut de la machinerie, car avec 2500 hectares, ce ne sera pas nos amis du Plateau qui vont venir gratter la terre avec leurs mains! » de conclure M. Audette.