Actualités 1 octobre 2014

Dans les champs de Nicola Fontana

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

SAINTE-SCHOLASTIQUE – Qu’est-ce qu’on fait quand on a un urgent besoin de main-d’œuvre pour ses récoltes? On fait « venir » au Québec des Mexicains et des Guatémaltèques?

Nicola Fontana, producteur bio, a décidé de faire confiance à des chômeurs montréalais et de leur verser 11 $ de l’heure pour qu’ils récoltent dans ses champs de l’ail, des échalotes françaises, des tomates italiennes et des radis.

Il a appelé chez AGRIcarrières et, du jour au lendemain, il a vu débarquer sur sa ferme, avec leurs boîtes à lunch sous le bras, des travailleurs saisonniers québécois d’origines diverses.

Quatre ans plus tard, il s’étonne encore de voir à quel point cette main-d’œuvre recrutée en ville, loin des champs, est « travaillante et volontaire ». Ce sont, dit-il, des personnes qui ne se traînent pas les pieds et qui n’abandonnent pas le travail… sur-le-champ.

« Je ne dis pas qu’ils sont tous sans reproches, nuance le propriétaire de la Ferme Fontana. Mais j’ai appris à identifier les meilleurs, et ceux-là, je m’arrange pour les garder. À titre d’exemple, je leur paye le transport (6 $ pour l’autobus, aller-retour Montréal-Mirabel) et je leur donne des produits frais. »

Le producteur, dont le plus gros de la production est achetée par la Ferme Lufa, se demande même comment il pourrait y arriver sans l’apport de cette main-d’œuvre d’appoint.

« Ce n’est pas facile de trouver du monde disponible et qui aime travailler en agriculture, ajoute l’ancien machiniste qui était “tanné du travail dans les shops”. Ces gens-là me donnent un fier coup de main pendant 8 à 10 semaines. »

Du taxi aux champs

Ces travailleurs agricoles ont parfois des profils étonnants. George-Guy Desrizier, 68 ans, d’origine haïtienne, se rend à 6 heures le matin à la station de métro Henri-Bourassa, où il monte dans l’autobus qui le conduit à la Ferme Fontana.

« Je suis né dans l’agriculture. J’ai fait ça dans ma vie et c’est ma vie. Je me sens chez moi ici. On me traite bien. Ici, on est comme des frères et il n’y a pas de patron directif », raconte avec le sourire fendu jusqu’aux oreilles cet ancien chauffeur de taxi et mécanicien à la retraite.

Mais pourquoi aller s’éreinter dans les champs? « Je suis bien traité ici et l’argent que je gagne me permet de parrainer quelqu’un en Haïti qui va à l’université », ajoute-t-il.

À ses côtés, Michel Séguin junior, 49 ans, parle de musique. Il est batteur, chanteur et percussionniste. Son père a été précurseur de l’introduction des percussions africaines auprès des musiciens montréalais.

« J’ai une petite fille de 11 ans et il n’y a pas assez de job en musique, dit-il. J’ai la chance d’avoir un ami comme Nicola qui me permet de travailler. »

Ça fait sourire le principal intéressé. « Je suis privilégié », reconnaît-il. Une seule ombre au tableau : il ne possède pas ses terres et il cultive sur des terres en location, à la fois au Centre de formation agricole de Mirabel (CFAM) et sur une autre terre privée.

« Je ne voudrais que cette belle aventure prenne fin brutalement parce que je ne peux acquérir une terre pour cultiver chez moi. Mais les terres ne sont pas achetables », conclut-il.