Alimentation 27 août 2014

Le combat d’un distributeur alimentaire

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« Qu’on ne vienne pas me dire qu’on souhaite favoriser l’achat de produits alimentaires du Québec quand mon propre gouvernement accorde des contrats à des distributeurs américains! »

TROIS-RIVIÈRES – Voilà ce qu’affirme sur un ton lapidaire, le président de Marcotte Alimentation, Jean-Guy Ladrière.

Le mois dernier, son entreprise de 120 employés a perdu un contrat de 30 M$ sur cinq ans, aux mains du géant américain GFS (Gordon Food Services). L’impact a été brutal : il a dû congédier une vingtaine d’employés

« C’est tout de même ironique, précise Jean-Guy Ladrière. Tandis que le gouvernement annonce sa politique de souveraineté alimentaire, ce même gouvernement me coupe l’herbe sous le pied et donne le contrat à une entreprise américaine qui va distribuer des produits dont on ne connaîtra pas la provenance. »

L’homme d’affaires, qui dirige une PME fondée par son arrière-grand-père, Trefflé Marcotte, en 1886, admet qu’il a « pété les plombs » lorsqu’il a entendu les discours de la première ministre Pauline Marois et de son ministre de l’Agriculture, François Gendron. Il s’interroge sur le « sérieux » de cette intention gouvernementale d’envoyer un « signal » aux directions d’hôpitaux et d’institutions publiques de donner la priorité aux producteurs d’ici pour inciter les Québécois à « manger Québécois ».

« En tout cas, si c’est ce qu’ils veulent faire, ils sont bien mal partis, constate-t-il. Moi, ça fait 12 ans que j’approvisionne les hôpitaux et les centres d’hébergement de la région avec des marques privées québécoises. Je me suis toujours efforcé de trouver des fournisseurs locaux, et ça fait tourner l’économie. Et qu’est-ce qu’on fait pour m’inciter à continuer? On donne le contrat à GFS [dont le chiffre d’affaires est de 12 milliards $] et on fait comme si c’était normal… »

Selon lui, la perte de ce contrat risque de fragiliser toute la chaîne de transformation et de distribution dans la région qu’il dessert. « Je ne suis pas le seul à écoper, dit-il. Un petit abattoir de Sainte-Angèle [Abattoir Massicotte] va fermer son centre de transformation parce que je ne pourrai plus y passer des commandes [de bœuf] pour une soixantaine d’établissements gouvernementaux. Un autre de mes fournisseurs de fruits et légumes [Arthur Riquier, à Shawinigan] sera également touché. Ce n’est pas de cette façon qu’on fait prospérer notre économie et qu’on fait la promotion de la distribution alimentaire. »

Des appuis de taille

Jean-Guy Ladrière ne mène pas seul sa bataille. Il a des appuis, et ils sont de taille. Dans une entrevue accordée récemment au quotidien Le Nouvelliste, le secrétaire général de l’UPA Développement international, André Beaudoin, s’en est pris aux institutions gouvernementales « qui font le choix de s’approvisionner à travers les firmes extérieures au Québec » et qui « viennent porter un dur coup à l’agriculture ».

Le candidat aux dernières élections dans Laviolette et producteur agricole à Saint-Séverin-de-Proulxville juge que l’octroi du contrat à GFS est « une très mauvaise décision » et il « trouve ça assez épouvantable comme situation ».

Appelé à commenter ce dossier, l’attaché de presse du ministre de l’Agriculture, Maxime Couture, souligne que ce dossier « est un exemple de la nécessité d’avoir une politique gouvernementale ». Il rappelle que le gouvernement promet un plan d’action « d’ici à décembre ».

« Le ministre [François Gendron] est très sensible à cet enjeu », a-t-il conclu.