Régions 9 septembre 2014

Chasse aux dindons sauvages : un petit pas dans la bonne direction

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Tel que publié dans Centre

ESTRIE ET BEAUCE — Les chasseurs attendaient la nouvelle avec impatience.

Les agriculteurs encore plus. En fait, seuls les dindons sauvages avaient la mine basse après l’annonce du ministre du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), Yves-François Blanchet, le 17 février, élargissant considérablement la chasse à cet oiseau, qui connaît une croissance fulgurante dans le sud du Québec.

Dès ce printemps, la période de chasse est devancée d’une semaine sur l’ensemble du Québec. De plus, le nombre de demi-journées de chasse passe de 12 à 22 dans la zone 4, qui correspond pour l’essentiel à l’Estrie. Enfin, les chasseurs pourront abattre un second mâle adulte dans les zones 4, 5, 6, 8 et 10, englobant la Beauce, l’Estrie, la Montérégie et l’Outaouais. « Ces zones sont situées dans les régions les plus méridionales du Québec, où l’oiseau est abondant », précise le communiqué du MDDEFP.

Vice-président à la Fédération de l’UPA de l’Estrie et porteur du dossier de la faune, Réal Marcoux apprécie l’effort de Québec, « en particulier le prolongement de la période de chasse ».

Mais il aurait souhaité des mesures plus énergiques. « Je ne crois pas que ça fera une grande différence que les chasseurs puissent prendre un deuxième dindon puisque seulement 30 % d’entre eux en abattent un premier. »

Réal Marcoux attend encore que le ministère ait l’audace d’ajouter une seconde période de chasse au dindon à l’automne et permette la prise de femelles afin de contenir la prolifération exponentielle de l’espèce depuis sa réapparition il y a une quinzaine d’années. « Chaque femelle pond une douzaine d’œufs par année et la moitié des dindonneaux survivent au premier hiver en temps normal, souligne-t-il. Mais même si seulement le tiers ou le quart devient adulte, la population peut doubler tous les cinq ou six ans. »

Et les dommages sont importants, affirme le producteur de Weedon. « On les a vus s’attaquer aux hangars de paille, où ils brisent les ballots pour manger les grains qui restent. Mais ça, c’est juste agaçant. Là où ça devient un problème, c’est dans les champs. Ils font des saccages dans les cultures de soya, de maïs ou de fraises. Certains ont essayé de les éloigner avec des chiens, mais ça ne fonctionne pas longtemps.

« Le pire, poursuit-il, c’est que le dindon n’a plus peur de nous et se sert dans les silos-meules. Chez nous, j’ai une étable froide et les dindons entrent pour se servir à même les mangeoires de mes veaux. » Autre source d’inquiétude pour Réal Marcoux : les fientes de cette volaille pourraient transmettre la pasteurellose aux animaux de la ferme.

Le vice-président de la Fédération déplore également qu’un permis spécial coûteux assorti d’une formation obligatoire soient requis pour chasser le dindon sauvage, ce qui réduit considérablement le nombre de chasseurs potentiels. « En fait, dit-il, je n’ai qu’une consolation dans ce dossier, c’est que l’Estrie était seule à s’inquiéter de la prolifération du dindon; maintenant, tout le Québec se sent concerné. »

Biologiste au MDDEFP en Estrie, Éric Jaccard affirme que les griefs des agriculteurs n’ont pas été pris à la légère. Malgré l’augmentation importante du nombre de dindons, l’espèce demeure sensible aux fluctuations météorologiques, fait-il remarquer. « Trois mécanismes contrôlent les populations de dindons sauvages. En premier lieu vient la rigueur de l’hiver, en deuxième, la chasse, et en troisième, la prédation naturelle, surtout par le renard, le coyote et le lynx. »

Le dindon sauvage doit son invasion québécoise à deux facteurs en particulier : l’augmentation des cultures de maïs et les hivers qui s’adoucissent. Or le dernier hiver, plus froid, plus persistant et plus neigeux que la moyenne, risque d’avoir donné un dur coup à cet oiseau qui se déplace lentement. « Les mois de mars et d’avril sont déterminants », précise M. Jaccard, en insistant sur l’épaisseur du couvert de neige et la rigueur du froid.