Politique 19 février 2018

La prescription des pesticides sera obligatoire

Le gouvernement du Québec a confirmé les grandes lignes de son projet de règlement déjà présenté à l’été 2017 et qui va rendre obligatoire la prescription de certains pesticides par un agronome à partir du 8 mars 2018. La mesure divise les apiculteurs et les producteurs de grains.

Les trois néonicotinoïdes autorisés par le fédéral ainsi que l’atrazine et le chlorpyrifos ne pourront être utilisés qu’avec la justification préalable d’un membre de l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ). L’atrazine sera soumise à ce règlement dès le 8 mars prochain. Quant aux autres pesticides visés, ils seront assujettis au règlement en septembre 2018 ou en avril 2019. L’usage de semences enrobées de néonicotinoïdes devra par ailleurs respecter les mêmes distances d’éloignement des cours d’eau et des puits que dans le cas des arrosages d’autres pesticides. Un registre des applications de tous les pesticides sera également obligatoire. Le non-respect de ces dispositions entraînera des sanctions.

Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELC) a conclu une entente avec l’OAQ, incluant un comité de suivi, afin « d’assurer la protection du public à l’égard des actes agronomiques posés ». Rappelons que la question des agronomes liés à l’industrie des pesticides a été évoquée par plusieurs observateurs et cette entente vise probablement à répondre à ceux qui critiquent le risque de conflit d’intérêts de certains agronomes.

« Nous avons trouvé une solution réglementaire équilibrée pour protéger la santé de nos agricultrices et agriculteurs, celle des écosystèmes aquatiques et des pollinisateurs. Nous avons bon espoir d’obtenir de cette façon une réduction significative de l’utilisation des pesticides les plus à risque au Québec », a déclaré Isabelle Melançon, ministre du MDDELC. Le ministère a réitéré le soutien de 14 M$ sur cinq ans annoncé dans le dernier budget pour réduire les risques liés aux pesticides et s’adapter aux nouvelles mesures.

Apiculteurs et producteurs de grains

L’annonce du 19 février a été faite à Château-Richer chez un apiculteur. « L’usage actuel des néonicotinoïdes dans les cultures de soya et de maïs n’est pas conforme avec les principes du développement durable. La science nous montre l’urgence d’agir afin de contrer le déclin des pollinisateurs autant sauvages que domestiques », a d’ailleurs mentionné Stéphane Leclerc, président de la Fédération des apiculteurs du Québec, qui se réjouit de l’annonce. Citadelle était également représentée lors de l’annonce gouvernementale pour parler de santé humaine et de survie des abeilles.

La Stratégie québécoise sur les pesticides ne va cependant pas dans le sens de la solution de compromis adoptée au dernier congrès de l’Union des producteurs agricoles (UPA), et qui demandait plutôt d’inclure les recommandations de pesticides dans le plan agroenvironnemental de fertilisation afin de diminuer les frais et la paperasse nécessaire pour contrôler les pesticides plus à risque. La lourdeur administrative et financière est d’ailleurs la principale critique de l’Union à cette annonce. L’organisation doute par ailleurs de l’efficacité d’une prescription qui ne garantit pas les résultats escomptés par le gouvernement.

« La réforme exagérément restrictive du règlement sur les pesticides est la septième erreur qui complète le portrait déplorable d’une gestion gouvernementale extrêmement difficile pour la production de grains au Québec », a affirmé Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec (PGQ). Ce dernier fait la liste de récentes décisions gouvernementales qui nuisent à la situation économique des agriculteurs comme la fin de la protection financière contre les cycles de bas prix du grain ou l’absence de programmes et de compensations suffisantes pour se conformer aux exigences environnementales. La coupe est pleine pour les PGQ.

Critique partielle des environnementalistes

Les groupes de défense de l’environnement saluent la restriction de l’usage des pesticides à risque, mais auraient voulu plus.

« Quand votre agronome travaille pour Monsanto ou Bayer, on s’aperçoit qu’il est fortement enclin à prescrire des pesticides », dénonce Thibault Rehn, coordonnateur de Vigilance OGM, qui rappelle que certains des pesticides visés sont interdits en Europe. Ce dernier aurait par ailleurs souhaité un encadrement spécifique pour le glyphosate.

« Le gouvernement réglemente de façon extrêmement partielle, sans se doter de moyens de contrôle, et il ne respecte même pas son propre échéancier », résume Pascal Priori, porte-parole de l’Alliance pour l’interdiction des pesticides systémiques, qui regroupe des citoyens et des organismes.