Alimentation 16 février 2018

Penser au-delà de la conserve

Convaincues que le sirop d’érable doit être présenté autrement que dans sa traditionnelle conserve, des entrepreneures accordent une grande importance à l’emballage et réussissent à attirer de plus en plus l’attention des foodies, prêts à débourser plus pour ce produit du terroir.

Claudie Brassard a démarré l’entreprise Nos Cabanes il y a un an et demi avec l’intention d’apporter une touche d’originalité à une industrie qu’elle considérait comme « plutôt beige ». Elle propose à ses clients acériculteurs d’embouteiller leur meilleur sirop, d’en indiquer la provenance et de trouver des points de vente. « Les producteurs sont tellement fiers de me parler de leur sirop, car ils en prennent soin. Plus on valorise leur produit, plus on va réussir à le promouvoir », avance-t-elle.

Une vision que partage Nathalie Simoneau, acéricultrice et propriétaire du Domaine des 15 lots. C’est grâce à de petites bouteilles au goût du jour que cette passionnée de design cherche à accroître la notoriété du sirop qu’elle fabrique. « Les gens souhaitent connaître le producteur et savoir comment il travaille. Je pense que tous ceux qui vendent un produit du terroir veulent se démarquer », soutient-elle.

Selon la consultante Emmanuelle Choquette, la relève cherche davantage à « sortir d’une image très traditionnelle, quasiment folklorique et qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui ». La dirigeante de Papilles, un -cabinet-conseil spécialisé dans l’agroalimentaire, travaille avec des producteurs acéricoles qui souhaitent développer leur propre marque.

Des touristes attachés à la conserve

Au Marché des saveurs du Québec à Montréal, la copropriétaire Isabelle Drouin remarque que bon nombre de touristes sont encore interpellés par le marketing autour de la conserve de sirop d’érable. Mais la clientèle urbaine, pour sa part, est indéniablement attirée par « les belles bouteilles ». « Ça se distingue des produits qu’on retrouve un peu partout à l’épicerie et les gens sont prêts à payer plus cher pour ça », affirme-t-elle.

Il s’agit d’une plus-value pour de plus petits producteurs dont le sirop, vieilli ou encore infusé, peut valoir jusqu’à 30 $ en boutique. Et ça se vend « super bien », assure Mme Drouin.

Sortir du Québec

Par l’entremise de la vente en ligne, Nathalie Simoneau réussit à séduire de plus en plus d’Ontariens, en plus de se démarquer auprès des clients qui veulent offrir en cadeau ses sirops du Domaine des 15 lots. Du côté de Nos Cabanes, Claudie Brassard a fait une première incursion dans le marché parisien en collaborant avec une boutique éphémère. « Le buzz est intéressant et il y a de plus en plus de producteurs qui me sollicitent depuis », affirme-t-elle.

Si la province se positionne comme leader en produisant 75 % du sirop d’érable mondial, la compétition est féroce pour la mise en marché. La consultante Emmanuelle Choquette a parfois l’impression que le Québec est sous-représenté en ce qui concerne le caractère exceptionnel de son sirop, comparativement à certaines marques américaines bien établies.

« Il faut se donner de l’énergie pour voir plus loin dans le temps et déterminer ce qui fait que notre sirop vaut plus cher », estime André Caron, secrétaire de la Commanderie de l’érable, un organisme visant à promouvoir l’industrie et les sirops d’érable d’exception. À la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, on souligne que le budget de promotion annuel est d’environ 8 M$, ce qui comprend autant les initiatives locales qu’internationales.