À coeur ouvert 7 février 2018

Osons en parler

La 28e Semaine nationale de prévention du suicide, dont le thème est « Parler du suicide sauve des vies », se déroule du 4 au 10 février. C’est dans cette optique que nous vous présentons le témoignage d’une ancienne productrice. Nous espérons ainsi sensibiliser les proches et les intervenants à certains facteurs pouvant fragiliser les agriculteurs et agricultrices au point de les amener à envisager de poser un geste fatal.

« Je suis née dans une ferme laitière. J’y ai passé mon enfance et mon adolescence. C’était le bonheur total. Œuvrer à la ferme était pour moi bien plus qu’un travail; c’était une passion et un mode de vie. J’avais un grand rêve. Celui de prendre la relève, d’avoir des enfants et de leur offrir la même chance que j’avais eue de vivre à la ferme.

coeur_ouvert« Malheureusement, mon rêve s’est transformé petit à petit en cauchemar. Mésententes sur la gestion de l’exploitation, dégradation des relations familiales, sentiment d’injustice, perte de confiance en moi et dans les autres, etc. On accumule les peines et les frustrations, puis à un moment donné, c’est assez! J’ai quitté l’entreprise et la famille dans l’espoir de retrouver la paix intérieure et d’offrir un milieu de vie paisible à mes enfants. Mais je me retrouvais sans emploi, sans projet de vie et à l’écart. Tout s’écroulait autour de moi. J’avais perdu mes repères, j’avais le sentiment d’avoir échoué, mais aussi d’avoir été trahie.

« J’ai commencé à ne plus dormir. J’avais de la difficulté à faire mes journées. Je n’étais plus capable d’aller aux activités agricoles. J’avais honte et je sentais le jugement de la part des autres. Cela me détruisait encore plus. Je me suis isolée davantage; j’ai limité mes sorties au strict nécessaire. Me sentant dans une impasse, j’ai pensé au suicide. Comme la situation était insoutenable pour mon conjoint aussi, nous avons discuté ensemble de cette solution. On avait mal comme si on venait de nous arracher le cœur; il fallait que ça arrête!

« Je trouve important de témoigner parce que de tous les professionnels rencontrés à cette époque, personne ne nous a jamais demandé si on avait des idées suicidaires et pourtant, on avait même notre plan. La seule chose qui nous a retenus de passer à l’acte, c’était nos enfants. Qui d’autre que nous pouvait s’en occuper? On ne pouvait pas les laisser avec nos problèmes. Aujourd’hui, je suis capable de dire qu’on ne voulait pas mourir. On voulait seulement que la souffrance cesse. »

Le geste de suicide est souvent posé dans un contexte de pertes importantes et intolérables. Rompre avec sa famille et quitter son entreprise font assurément partie des pertes les plus significatives et douloureuses pour un producteur ou une productrice. On perd ses fondations, ce sur quoi on s’est bâti. Le témoignage de cette dame révèle que d’autres pertes ont suivi : la confiance, l’espoir, l’estime de soi, l’identité, la passion, le projet de vie, la santé physique et mentale. Il est ahurissant qu’aucun professionnel n’ait questionné ces producteurs sur de possibles intentions suicidaires. Cela traduit à notre avis une méconnaissance du monde agricole. Cela justifie également la mise sur pied, au cours des dernières années, d’un réseau de sentinelles agricoles, le déploiement de travailleurs de rang et la sensibilisation des professionnels aux réalités du milieu.

N’attendez pas que votre situation familiale ou autre se dégrade à un point de non-retour. Faites-vous accompagner si nécessaire pour régler les différends. Si vous avez mal à l’âme ou si vous craignez pour un proche, parlez-en. N’hésitez pas à le faire.

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