À coeur ouvert 10 janvier 2018

Réussir sa séparation

Les producteurs et productrices se séparent moins que les couples appartenant aux autres catégories socioprofessionnelles. Des études menées en France démontrent que ce n’est pas tant grâce aux valeurs plus traditionnelles qu’en raison des coûts élevés associés aux ruptures que les agriculteurs et agricultrices rompent moins souvent leur union.

Ce n’est pas une explication très romantique, mais la menace pesant sur la survie économique de l’entreprise les aurait maintenus à l’abri des ruptures. Néanmoins, à l’instar de l’évolution des unions conjugales dans le reste de la société, on constate une augmentation des séparations en milieu rural.

À coeur ouvertIl existe des particularités relatives aux séparations ou divorces des couples de producteurs comparativement à ceux qui se livrent à d’autres occupations. Par exemple, les gens de la ville ont la possibilité de racheter la part de l’autre et de demeurer dans la maison familiale. En agriculture, la résidence appartient fréquemment à l’entreprise, donc l’ex-belle-fille ou ex-beau-fils doit tout simplement quitter la maison. Ce qui distingue également les couples de producteurs, c’est que l’ex-conjointe ou l’ex-conjoint venu habiter à la ferme peut y travailler. Lors d’une séparation, cette personne perd aussi son emploi et souvent une passion. Sa vie professionnelle comme familiale est très affectée. Cela peut être extrêmement -difficile à « encaisser », comme nous l’ont révélé des productrices qui s’étaient grandement investies à la ferme. Un sentiment d’injustice peut s’ajouter à cela lorsque leur contribution à l’entreprise n’est pas reconnue adéquatement.

Terrains minés

D’un autre côté, même en présence d’actifs importants, il n’y a pas toujours de biens divisibles facilement ni de liquidités, ce qui peut entraîner un fort endettement supplémentaire pour la personne qui continue d’exploiter la ferme. La pensée que le patrimoine familial puisse être mis en péril – surtout si ce danger émane de quelqu’un qui n’a jamais travaillé ou presque dans l’entreprise – peut être très douloureuse. C’est ce que rapporte un producteur de lait qui nous a écrit : « […] des conjointes, sans mérite, peuvent détruire psychologiquement des agriculteurs en menaçant de “les laver”. Il s’agit parfois d’un patrimoine de plusieurs générations auquel ces conjointes n’ont que très peu participé. »

Lorsqu’on avance sur de tels terrains minés, il n’est pas facile d’arriver à des ententes satisfaisantes pour les deux parties. Quand, de surcroît, le cœur et l’amour-propre sont blessés, le rationnel peut basculer et la charge émotionnelle peut prendre toute la place. Si on veut « plumer » l’autre, on peut se déchirer longtemps. Les guerres coûtent habituellement cher sur le plan humain et sur le portefeuille… et les enfants peuvent en faire les frais.

Que faire?

On peut se retrouver fort désemparé à la suite d’une séparation. Il ne faut pas hésiter à se faire accompagner sur les plans personnel, financier et légal. On peut aller rencontrer un médiateur, de préférence un qui connaît les particularités des entreprises agricoles, afin d’arriver à une entente négociée qui convient aux deux parties. De plus, lorsqu’on a des enfants à charge, on peut bénéficier de cinq heures de -services de médiation familiale gratuite. Les démarches seront facilitées s’il existe des documents juridiques sur -lesquels on peut s’appuyer.

Lorsqu’on s’engage dans une relation, on espère que ce sera pour la vie. Mais il ne faut pas attendre de se retrouver en situation de crise pour remplir de tels documents. La colère n’est pas la meilleure conseillère. Mieux vaut prévenir que guérir. Et à défaut d’avoir réussi son union, on peut faire le choix de réussir sa séparation.