Élevage 29 novembre 2017

La saignée chez les abattoirs

Depuis cinq ans, le nombre de petits abattoirs au Québec a fondu de moitié. D’une soixantaine en 2012, ils ne sont plus que 29 entreprises à détenir un permis d’abattoir de proximité. Certains coins du Québec sont d’ailleurs orphelins d’usines d’abattage et de transformation.

Dans une étude de 2012, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) mentionne que « les régions sont en général bien desservies en abattoirs à l’exception des régions en périphérie, soit l’Abitibi-Témiscamingue, la Gaspésie et le Saguenay−Lac-Saint-Jean ». Les producteurs de l’Outaouais, des Laurentides et de l’Abitibi-Témiscamingue vendent d’ailleurs leurs agneaux en Ontario, faute d’options locales, note Raphaël Chevalier, coordonnateur aux activités de mise en marché aux Éleveurs d’ovins du Québec (EOQ). La disparition d’une seule usine, comme tout récemment l’Abattoir Rousseau, de Lingwick, complique l’existence des producteurs. « Ça les repousse à plusieurs centaines de kilomètres pour faire abattre leurs bêtes », explique M. Chevalier. La distance à parcourir fait grimper le coût du transport, mais également le stress des animaux.

« C’est beau d’aller livrer les agneaux, mais il faut aussi retourner chercher les carcasses », ajoute le coordonnateur des EOQ. C’est la situation que vivent les éleveurs du Saguenay−Lac-Saint-Jean. Ceux-ci doivent faire abattre leurs bêtes à l’extérieur de la région. Dans plusieurs cas, les carcasses doivent ensuite remonter le parc des Laurentides pour retourner sur le marché local.

Rareté

Plusieurs secteurs de production éprouvent de la difficulté à trouver des usines prêtes à abattre leurs bêtes. Les élevages de grands gibiers tels que sangliers, cerfs rouges, wapitis, bisons, émeus et autruches souffrent du manque d’usines et de leur dispersion sur le territoire. De leur côté, les producteurs cunicoles font abattre leurs bêtes en Ontario, mais la situation devrait changer sous peu, car l’Abattoir Ducharme, de Saint-Alphonse-de-Granby, transformera bientôt des lapins.

Les plus grands joueurs de l’abattage ne sont pas à l’abri des difficultés. À la suite de la fermeture de Levinoff-Colbex, des Viandes Laroche et des Abattoirs Zenon Billette, le Québec ne compte plus aucun abattoir spécialisé dans le bouvillon d’abattage ni la vache de réforme. En conséquence, la grande majorité des bovins d’ici prennent la route de la Pennsylvanie ou de l’Ontario, un trajet de plus de 600 km. 

Nouvelles normes

Le 1er juillet 2009, la Loi visant la régularisation et le développement d’abattoirs de proximité et modifiant la Loi sur les produits alimentaires est entrée en vigueur. Ce nouveau cadre légal demandait que les personnes ayant exploité depuis 1977 un abattoir sans permis, communément appelé « abattoir B », se conforment à de nouvelles exigences en vue d’obtenir un permis d’abattoir de proximité. Elles avaient jusqu’au 30 juin 2015 pour se mettre en règle.

Pour obtenir ce permis, les abattoirs devaient notamment séparer les aires d’abattage, d’habillage, d’entreposage et de découpe, permettre l’inspection des animaux et des carcasses de même que respecter les normes générales d’hygiène et de salubrité. L’un des principaux changements demeurait cependant l’exigence d’un système autonome d’assainissement des eaux. L’Association pour la conservation des petits abattoirs jugeait cette contrainte sérieuse.

Aujourd’hui, force est de constater que plusieurs propriétaires de petits abattoirs ont choisi de mettre la clé dans la porte plutôt que de se conformer.

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