Actualités 4 octobre 2017

La semence d’engrais verts : une voie d’avenir pour le Québec

Il existe actuellement une demande croissante pour les semences d’engrais verts, croissance stimulée par l’essor de la production biologique. C’est pourquoi, au cours de l’année 2015, les Producteurs de semences du Québec (PSQ) ont mis sur pied un projet visant à évaluer le potentiel de cette production émergente dans la province.

Réalisé en deux phases, le projet visait d’une part à mettre en lumière certains enjeux de nature économique et, d’autre part, à documenter la production de différentes cultures de couverture. Bien que des essais à la ferme se poursuivent en 2017, les résultats obtenus jusqu’à présent confirment les nombreuses possibilités offertes par cette production.  

Le marché à l’extérieur du Québec

« Dans le but de mieux comprendre les besoins du marché des engrais verts, les Producteurs de semences du Québec ont mandaté la firme Forest Lavoie Conseil pour obtenir un portrait de la situation aux États-Unis et en Ontario », explique le président de l’organisation, Martin Provencher.

L’étude montre que les engrais verts font partie intégrante des stratégies du département de l’Agriculture américain (USDA), qui souhaite favoriser la préservation des sols et de l’eau. De plus, il importe de mentionner que plusieurs subventions sont disponibles pour soutenir les producteurs. Selon les données recueillies, une croissance annuelle de 15 à 20 % des ventes de semences d’engrais verts est anticipée aux États-Unis.

Bien que les conditions de production et les programmes de subventions soient différents au Canada, l’étude a également exposé une forte hausse de la demande pour les cultures de couverture en Ontario dans les dernières années. Comme chez les producteurs américains, le seigle est l’espèce la plus populaire dans cette province.

Le portrait du Québec

D’après les données de l’Institut de la statistique du Québec, il y avait en 2016 plus de 41 000 hectares de superficies considérées comme en engrais verts dans la province. « On estime que le niveau d’utilisation des engrais verts au Québec, l’an dernier, était semblable à celui des États-Unis en 2012, selon les données du recensement agricole », décrit Jean-François Forest.

D’après différents scénarios de croissance, variant de 5 à 20 % sur une base annuelle, le Québec pourrait dépasser les 83 000 hectares dans un horizon de cinq ans.

Les Producteurs de semences souhaitent poursuivre les études dans le but de mieux évaluer les bénéfices et de mesurer les impacts positifs sur les sols et les rendements de façon à accroître l’intérêt chez les producteurs. « Il faut amorcer des échanges avec l’industrie afin de susciter un intérêt pour la semence produite au Québec et établir des partenariats d’affaires pour mettre en marché les semences produites chez nous », conclut M. Provencher.

Crédit photo : Geneviève Deniger, agronome, Agri Conseils Maska
Crédit photo : Geneviève Deniger, agronome, Agri Conseils Maska

Acquérir des connaissances sur le terrain

Dans le cadre du projet, le club Agri Conseils Maska a été chargé d’évaluer la faisabilité et la rentabilité de la production de semences de certains engrais verts ainsi que d’acquérir des connaissances sur la régie de ces cultures.

Au cours des saisons 2015 et 2016, l’agronome Geneviève Deniger a travaillé avec plusieurs producteurs pour mettre en œuvre le projet, mené en Montérégie et au Saguenay−Lac-Saint-Jean. Pour l’agronome, qui a entre autres documenté les pratiques culturales de différentes familles d’engrais verts (crucifères, graminées et légumineuses), le bilan des essais est prometteur, mais la documentation des pratiques de régie représente un défi de taille. 

Les essais réalisés avec plusieurs cultures, comme le radis, le trèfle et le pois, offrent des résultats très positifs, mais l’acquisition de connaissances techniques demeure indispensable. « Il y a un manque criant d’information au Québec sur tous les aspects de la production », confirme Geneviève Deniger. L’agronome continue aujourd’hui à compiler les données chez des producteurs dans le but d’élaborer des guides de production comparables à ceux disponibles aux États-Unis et dans l’Ouest canadien. « Il y a encore beaucoup d’espèces à tester et il est essentiel de bien comprendre la dimension agronomique spécifique aux conditions d’ici, comme le contrôle des ravageurs et les outils les mieux adaptés pour semer ou récolter ces cultures », ajoute-t-elle. Les bénéfices des engrais verts semblent bien connus, mais un important travail reste à accomplir pour favoriser une implantation des cultures de couverture à l’échelle de la province et ainsi stimuler la demande pour des semences cultivées au Québec.

Des essais concluants

Pour Pierre Murray, vice-président des Producteurs de grains du Saguenay−Lac-Saint-Jean, qui sème depuis 2015 une variété de pois noir jumelée à du blé (utilisé comme tuteur pour soutenir les plants de pois), les résultats sont encourageants, mais la bonne recette reste à trouver. « Après trois ans d’essais, nous n’avons pas encore découvert la proportion idéale pour assurer une récolte optimale de pois, dont les plants s’affaissent une fois arrivés à maturité, mais nous y sommes presque », indique-t-il. En effet, bien que cette production ait été rentable l’année dernière, des difficultés persistent à l’étape de la récolte. L’essai, réalisé sur une parcelle de 10 hectares, s’annonce prometteur considérant l’intérêt des acheteurs et l’augmentation des rendements sur cette terre l’année suivante, en raison de l’effet positif de l’intégration d’une légumineuse en rotation.

En Montérégie, André Lussier, producteur de semences, participe au projet depuis son lancement. Très satisfait de sa production de radis fourrager, semée sur 12 hectares, il a néanmoins cessé de cultiver la phacélie, une plante comparable au sarrasin. Celle-ci permet d’obtenir un excellent prix de vente, mais la gestion de ses ennemis s’est avérée extrêmement difficile. En 2017, le producteur a également consacré une parcelle d’essai de trois hectares à du trèfle rouge et près de six hectares à du trèfle incarnat. « Nous devons poursuivre les tests, mais les essais que nous avons faits jusqu’à présent le confirment : la semence d’engrais verts cultivée au Québec présente plusieurs avantages, notamment la réduction des coûts de transport par rapport à celle qui provient des États-Unis », explique M. Lussier.

Jean Dumont, conseiller syndical, UPA de la Montérégie
Hugues Larocque, conseiller aux communications, Producteurs de grains du Québec