Alimentation 8 septembre 2017

Un boulanger crée des pains comme il y a 100 ans

Vaudreuil-Dorion — Daniel Desrosiers est un boulanger anticonformiste et passionné de grains québécois. Pour preuve, il consacre 25 % du revenu brut de sa boulangerie au développement et à l’utilisation de grains anciens.

« Je privilégie les grains négligés, des variétés qui n’ont pas été croisées. La farine qui en découle est plus faible en gluten, ce qui crée des pains plus faciles à digérer. Les grains anciens, ça fait aussi des pains consistants, comme les familles en mangeaient il y a 100 ans », résume-t-il.

Daniel Desrosiers prend les grands moyens pour développer des pains conçus à partir de grains anciens cultivés localement. Il fait lui-même venir des semences et travaille ensuite avec des fermes d’ici. Crédit photo : Martin Ménard/TCN
Daniel Desrosiers prend les grands moyens pour développer des pains conçus à partir de grains anciens cultivés localement. Il fait lui-même venir des semences et travaille ensuite avec des fermes d’ici. Crédit photo : Martin Ménard/TCN

Partenariat avec les fermes

Le boulanger situé à Vaudreuil-Dorion, tout près de Montréal, achète des semences de grains anciens pour ensuite les faire tester dans les parcelles de la ferme de Lyne Bellemarre (voir autre texte). Une fois satisfait, il s’associe avec des agriculteurs qui les cultivent à plus grande échelle. « Tu ne peux pas demander à un agriculteur de semer une variété ancestrale sans savoir à quoi ressemblera le rendement ou la résistance aux maladies fongiques. Mettre en culture certaines vieilles variétés, ça prend des essais. C’est un processus de trois à cinq ans que je finance moi-même », explique M. Desrosiers.

Cet artisan est un oiseau rare. Ancien gestionnaire de portefeuille, il a pris sa retraite du secteur financier pour apprendre le métier de boulanger. « J’utilise des grains biologiques, mais au-delà du bio, les gens veulent du local et mon objectif consiste à m’approvisionner en grains anciens cultivés au Québec, idéalement dans un rayon de 75 à 100 km autour de Montréal », spécifie-t-il. Son petit épeautre provient présentement de la région de Mont-Laurier, son seigle, de l’Estrie, son tef, d’une terre près de Montmagny, et certains blés, d’une ferme pratiquement voisine à sa boulangerie.

Un pain à 9 $

Les grains anciens et certifiés biologiques qu’il emploie ne sont pas donnés. Le pétrissage à la main entraîne également un coût supplémentaire. Pour réaliser un minimum de profit, il doit vendre ses pains de 7 à 9 $ chacun! Peu croyaient qu’il réussirait à en vendre à ce prix… Or, aujourd’hui, sa petite boulangerie fonctionne à capacité maximale, pour une production atteignant 600 pains par semaine.

Moins de gluten

Daniel Desrosiers affirme que le succès de ses pains « haut de gamme » réside d’abord dans leur goût authentique et l’attrait pour les produits locaux, mais aussi dans leur digestibilité accrue. « Les variétés de blé ont été développées au fil du temps pour assurer de meilleurs rendements aux agriculteurs et pour faciliter la production de pain en usine. Et les usines ont besoin d’une farine assez forte en gluten afin d’obtenir une pâte de bonne élasticité avec les malaxeurs. Ici, on peut employer des grains anciens, moins forts en gluten, car le pétrissage de la pâte s’effectue à la main et non à la machine », souligne M. Desrosiers.

Les grains anciens font grossir les muscles des boulangers : le pétrissage à la machine prend 8 minutes, mais à la main, l’opération peut prendre de 1 à 2 heures! Le secret de ce boulanger réside également dans l’utilisation de levains maison et non de levures commerciales, de même que par la fermentation des pains pendant près de 18 heures.