Actualités 18 septembre 2017

Ne débranchez pas la mise à la terre de vos stalles

Plusieurs producteurs de lait auraient débranché la connexion entre la borne de mise à la terre de la ferme et les poteaux de stalles, les abreuvoirs et les mangeoires en métal à la suite des recommandations de certains intervenants mal informés.

Cela diminuerait les tensions parasites, mais laisse les éleveurs et leur troupeau à la merci des incendies et de l’électrocution.

Vers la fin des années 1970, en raison de la multiplication des appareils électriques dans les entreprises agricoles, plusieurs électrocutions d’animaux ont eu lieu à cause de systèmes défectueux. « Dans une ferme, un fil dont l’isolation était endommagée par les intempéries a touché l’écureur à fumier, causant l’électrocution d’une dizaine de vaches par l’intermédiaire de la chaîne et des raclettes du nettoyeur », explique Gaétan Martin, maître-électricien. C’est pourquoi, depuis 1979, le Code de l’électricité du Québec stipule, à l’article 10-406, que « l’ensemble des parties métalliques des appareils électriques d’une ferme doivent être reliées entre elles par des conducteurs qui sont raccordés aux parties métalliques du bâtiment ». À des fins de sécurité, on doit raccorder le tout au neutre du coffret de branchement (panneau électrique), lui-même relié à la mise à la terre et au neutre du réseau hydroélectrique.

C’est ainsi que sont également connectées « électriquement » au coffret de branchement les structures non électriques telles que poteaux de stalles, lactoduc, abreuvoirs, mangeoires en acier inoxydable, carcans, etc.

« Cette précaution protège les animaux contre les électrocutions, confirme M. Martin. En cas de contact avec un fil ou un moteur défectueux, le disjoncteur (breaker en anglais) se déclenche automatiquement, isolant le circuit en défaut. Et cette connexion qui assure la “continuité des masses” protège aussi l’endroit contre la foudre, puisqu’elle rejoint également la mise à la terre de l’exploitation agricole. »

L’inconvénient à cette double connexion est que le fil neutre de la ferme ainsi relié à celui du réseau hydroélectrique transmet du courant dans les structures métalliques non électriques. Ces dernières peuvent donc communiquer aux animaux des tensions parasites.

Certains producteurs, conseillés par des intervenants mal informés, ont retiré cette connexion au coffret de branchement pour prévenir le risque de ces tensions parasites. Cette pratique coûte évidemment moins cher que l’installation de systèmes de correction. Toutefois, non seulement est-elle illégale, mais elle supprime la protection contre les incendies par la foudre, contre le mauvais fonctionnement d’un disjoncteur et contre les électrocutions. « Un de mes clients avait relié ce câble de mise à la terre au couvercle du moteur du nettoyeur à fumier. Avec le temps, le couvercle s’est détaché et le fil usé a rencontré une pièce métallique non mise à la terre, ce qui a causé l’électrocution d’un animal », témoigne le maître-électricien Gaétan Castonguay.

« Il suffit de toucher un poteau de stalle avec le câble partiellement dénudé pour qu’une vache, sans nécessairement s’électrocuter, subisse un avortement », ajoute M. Martin.

Les professionnels se prononcent

La Corporation des maîtres-électriciens du Québec (CMEQ) s’oppose catégoriquement à ce débranchement. « En défaisant cette connexion, il est clair qu’on risque l’électrocution autant des animaux que des humains, corrobore Michel Bonneau, directeur à la Direction des services techniques et santé et sécurité de la CMEQ. Quand on sait qu’à partir d’un courant de 50 milliampères, un adulte risque l’arrêt respiratoire, imaginez si l’on touche le courant d’un nettoyeur d’étable, d’environ 8 ampères (160 fois plus élevé).  On doit aussi savoir que la Régie du bâtiment du Québec peut émettre un avis à un agriculteur à la suite d’un constat de ce genre de débranchement et le poursuivre en cour s’il ne règle pas la situation. »

Qu’en pensent les compagnies d’assurance? Ces infractions peuvent faire réagir les assureurs qui, normalement, couvrent les pertes encourues pour les animaux électrocutés, mais surtout, les dommages causés par la foudre (incendies ou autres), plus sujets à se produire sans des branchements adéquats. « Cette situation nous préoccupe, dit Marc Larocque, conseiller principal en prévention des sinistres à Intact Assurance agricole. Il est certain que nous préconisons la bonne façon de faire et trouvons important que nos clients soient bien informés sur le sujet. Il faut garder en tête qu’en plus des pertes d’animaux et matérielles en jeu, il y a aussi un danger réel de pertes de vies humaines par électrocution. C’est une prise de conscience urgente à faire et nous conseillons fortement aux producteurs de consulter un électricien qualifié s’ils ont des problèmes de tensions parasites. »

De son côté, l’Union des producteurs agricoles (UPA) a également adopté une position claire à ce sujet. « L’UPA endosse l’ensemble des lois, des règlements et des bonnes pratiques en la matière, incluant celles qui figurent au Code de l’électricité du Québec », souligne Isabelle Bouffard, agronome et directrice à la Direction recherches et politiques agricoles de l’UPA.