Économie 18 août 2017

Pangea a payé 2 700 $ plus cher l’hectare

Deux transactions effectuées à huit mois d’intervalle dans la même municipalité montrent que Pangea a payé 59 % plus cher pour des terres jugées équivalentes par l’Union des producteurs agricoles (UPA).

La Terre avait déjà fait état de l’achat par Pangea de terres à Saint-Germain-de-Kamouraska. L’agriculteur de la relève Jean-Luc Laplante disait s’être fait damer le pion par Pangea, même après avoir bonifié sa première offre. Le vendeur, Yvan Laplante, affirmait que l’inclusion d’une deuxième maison dans la transaction avait fait pencher la balance vers le fonds Pangea Terres Agricoles. Le montant de la transaction était demeuré confidentiel au moment de la parution de notre premier article, en mai dernier.

L’Union des producteurs agricoles (UPA) a mis la main sur l’acte notarié du 2 juin 2017, et La Terre en a obtenu une copie. Le montant de la vente était de 600 000 $ au total, dont 436 000 $ pour 59,4 hectares (ha) de terres. Il s’agit donc d’un prix de 7 340 $/ha. Or, une autre transaction, dans la même municipalité, le 13 octobre 2016, a été notariée à 150 000 $ pour 32,5 ha et des bâtiments de faible valeur. L’acheteur était la ferme P.A. Michaud. Il s’agit donc d’un prix de 4 615 $/ha. L’UPA soutient qu’il s’agit de terres de qualité équivalente. La Terre a confirmé avec Paul-André Michaud, l’acheteur cité plus haut, que les deux terres sont voisines et semblables, même si la sienne contient quelques hectares non cultivables. M. Michaud estime par ailleurs qu’il avait payé trop cher sa terre en raison d’un intérêt « particulier » et personnel pour ce lopin précis.

Jean-Luc Laplante (à gauche) convoitait les terres de son voisin Yvan Laplante, que Pangea a finalement obtenu en misant plus cher. Crédit photo : Martin Ménard/TCN
Jean-Luc Laplante (à gauche) convoitait les terres de son voisin Yvan Laplante, que Pangea a finalement obtenu en misant plus cher. Crédit photo : Martin Ménard/TCN

« On a la preuve que Pangea paie plus cher que le marché », affirme Charles-Félix Ross, directeur général de l’UPA, qui réitère que le modèle de Pangea n’est pas rentable dans ces conditions. L’UPA a calculé qu’il fallait une marge bénéficiaire de 587 $/ha pour obtenir le rendement de 8 % évoqué par le fonds Pangea. Or, selon les calculs du Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA), la marge attribuable à la production céréalière (région sans maïs-grain) était plutôt de 29 $ en 2015. « C’est presque impossible qu’ils puissent garantir un rendement de 8 %, à moins que ce soit de la pure spéculation sur les terres ou que ça se fasse sur le dos des producteurs associés », estime Charles-Félix Ross, qui croit que le Fonds de solidarité FTQ et la Caisse de dépôt et placement du Québec devraient faire une nouvelle vérification du rendement avant d’injecter des fonds des épargnants québécois dans Pangea.

D’autres transactions de Pangea pourraient bientôt être analysées. Une vigie sera en effet réalisée par l’UPA.

Réactions de Pangea

« Pour tous ses achats de terres, Pangea applique sa politique d’achat qui consiste à payer la moyenne des deux évaluations effectuées par des évaluateurs agréés indépendants », a commenté Marie-Christine Éthier, porte-parole de Pangea, qui n’a pas donné d’autres explications pour la variation de prix des terres.

Marché très actif au Bas-Saint-Laurent

Le marché très dynamique des terres au Bas-Saint-Laurent pourrait-il expliquer en partie le prix plus élevé payé par Pangea huit mois après la première transaction? Selon le bulletin Transac-Terres 2017 de La Financière agricole du Québec (FADQ), le prix des terres en culture était en hausse de 48 % de 2015 à 2016 dans le Bas-Saint-Laurent. On ne connaît pas encore la progression des prix de 2016 à 2017, qui sera examinée par la FADQ après la fin de l’année.

Il faudrait cependant une progression fulgurante de 59 % en huit mois pour que le prix payé par Pangea reflète celui du marché des terres au Bas-Saint-Laurent en juin dernier.