Vie rurale 8 septembre 2014

Sur les traces de Thomas Gélinas

56e556a059faa13b01872e12cdb4b7390e6c7d44701c17ce075ac6ec7622f56b

Tel que publié dans La Terre de chez nous

SAINT-BONIFACE — La terre fait partie de l’ADN des Gélinas depuis quatre générations.

Ce n’est pas une figure de style. C’est une réalité qui se vit au quotidien au sein de cette famille qui s’est enracinée à Saint-Boniface vers la fin du 18e siècle. Avec passion et conviction, mais surtout avec un attachement profond aux valeurs terriennes.

Et c’est contagieux!

« J’ai toujours aimé ce contact privilégié avec la terre que me permet le métier d’agriculteur et d’entrepreneur », résume Benoît Gélinas, fils de Côme, petit-fils d’Alphonse, arrière-petit-fils de Thomas.

Il est âgé de 36 ans. Il en avait à peine 28 quand il a pris les commandes de la ferme familiale, dans les poulaillers qui voient défiler, bon an, mal an, un demi-million de poulets.

Il est parfaitement conscient qu’il marche dans les pas de Thomas Gélinas et dans les terres que celui-ci a acquises du gouvernement en 1872. Coût d’acquisition : un peu moins de 2 000 $, pour 80 hectares.

C’est d’ailleurs dans la maison ancestrale, une pièce sur pièce construite en 1888, en bordure de la route 153, boulevard Trudel Ouest, à Saint-Boniface, non loin de la municipalité de Charette, en Mauricie, qu’il prend le temps de raconter quelques chapitres qui ont jalonné la petite histoire de cette grande famille mauricienne.

« Ma décision de m’occuper de la ferme ne fut pas un choix difficile à prendre, dit-il après coup. Toute mon enfance, j’y avais travaillé. J’avais le goût de revenir chez nous, à la maison. »

Son père l’écoute parler de son choix de vie. Il a des éclats lumineux dans les yeux. « Le transfert de l’entreprise familiale s’est fait tout naturellement, se souvient-il. Mon fils était prêt. »

Puis il s’interrompt. « J’avais 57 ans quand Benoît a pris le relais, se rappelle-t-il. Je me considérais prêt à transférer l’entreprise. »

Sans doute était-il « prêt », comme il le dit lui-même avec une pointe d’humour. Mais, dans la vraie vie, il avait encore de bonnes années à donner à son fils pour que l’entreprise familiale continue d’aller de l’avant.

« Il est toujours là, à mes côtés, sur la ferme », confirme Benoît.

C’est avec en main un baccalauréat en génie mécanique obtenu à l’Université de Sherbrooke que Benoît Gélinas est rentré à la maison, il y a près de 10 ans, en compagnie de sa conjointe Manon, qui a fait ses sciences pures au cégep de Shawinigan.

À ses côtés, son père écoute attentivement, d’un air satisfait, tandis que la petite dernière, Élodie, 19 mois, tente d’attirer l’attention du journaliste de la Terre en lui montrant ses jouets musicaux.

Mais il ne faut pas croire que la vie coule toujours comme un long fleuve tranquille chez les Gélinas. L’hiver dernier, la femme de Côme, Andrée, a été emportée par un cancer. « Elle est partie trop vite », laisse-t-il échapper, encore étranglé par les émotions.

Préoccupations autour des quotas…

Côme Gélinas est fier de son fils Benoît. Et il tient à ce qu’il puisse continuer d’évoluer dans un environnement familial et économique équilibré.

Mais il est préoccupé. « Les quotas [dans la volaille] sont très dispendieux et c’en est rendu dangereux », explique-t-il.

Il ajoute : « J’ai très peur de l’intégration, même si on a des quotas. On en est là. »

Il en remet : « On n’a jamais été capables d’enlever les intégrateurs. Ils mettent des poteaux et ils achètent des quotas. »

Benoît Gélinas partage ses préoccupations, mais il semble moins inquiet, bien qu’il soit conscient des enjeux. « On pense qu’on pourra améliorer les choses avec la mise en place d’un encan électronique, avance-t-il. Ce sera comme dans le secteur laitier, avec un prix plafond. La Régie des marchés étudie le dossier. »

Il précise : « C’est une des pistes de solution qu’on voit [l’encan] pour conserver cet outil important que constituent les quotas. Ça va permettre à la relève de s’établir. »

Benoît ne se limite pas à parler de ce dossier. Il siège au conseil d’administration du syndicat des Éleveurs de volailles Mauricie-Centre-du-Québec.

Il a de qui tenir. Son père a été président pendant quatre ans (de 1998 à 2002) à la Fédération des producteurs de volaille de la Mauricie, en plus d’être vice-président, au niveau provincial, en 2001.

Côme Gélinas ne peut s’empêcher de revenir en arrière pour mieux comprendre l’évolution de l’industrie de la volaille. Il concède qu’il a déjà vu mieux.

« Je le répète, dit-il, je suis inquiet. Il me semble qu’il n’y a rien pour arrêter les grosses entreprises d’acheter des quotas et de les garder pour elles. Regardez ce qui s’est produit dans le porc. Ils n’ont pas de quotas et ils ont de la misère. Dans la volaille, nous sommes disciplinés et les intégrateurs réussissent à nous maganer. »

Il poursuit : « On est 800 producteurs. Il y en a combien, des vrais indépendants comme nous? La réalité, c’est qu’il y en a de moins en moins. »

De toute évidence, les choses ont changé depuis que Thomas a acheté ses terres dans le 8e Rang de Saint-Boniface.

Ce qui n’a pas changé, c’est l’environnement agricole qui est resté intact.

Mais la vigilance est de rigueur.

Facebook  Faites-nous part de vos impressions sur notre notre page Facebook.