Vie rurale 8 septembre 2014

Le hockey mène à tout

ec86aeb195459c12561ddf37fd2f63a1232f2badb7406308240ecd08050ec0a02072697ec531f239646934a25a443fc50a5b67a6eebddcb1519a19297c6f83c4

Tel que publié dans La Terre de chez nous

Ghyslaine Côté Bélanger n’a jamais joué au hockey. Pourtant, c’est un match du Canadien de Montréal qui a radicalement changé sa vie et contribué à façonner son destin d’exception.

SAINT-NAZAIRE-DE-DORCHESTER — Agricultrice de l’année 2012, elle exploite une ferme laitière avec son conjoint et son fils dans les montagnes de Bellechasse. Native de Saint-Lazare, Ghyslaine Côté Bélanger n’avait jamais mis les pieds à Québec, encore moins dans la métropole. À 18 ans, elle accepte l’invitation d’une cousine à se rendre à Montréal, où elle s’empresse de demander où est situé le Forum, temple de son équipe de hockey favorite. Fervente partisane, elle connaissait le nom de tous les joueurs des six équipes de la Ligue nationale de hockey à l’époque.

C’était un samedi soir et le Canadien affrontait les Black Hawks. Déjà éblouie par l’extérieur du Forum, elle s’est dit qu’il lui fallait absolument y entrer, même sans billet. Après avoir observé les spectateurs, elle parvient à franchir aisément les tourniquets. Aussitôt arrivée dans l’enceinte, elle admet sa faute à un placier en lui racontant son histoire. Compréhensif, celui-ci lui permet d’assister à tout le match dans les bancs inoccupés.

« Le Canadien a perdu et Bobby Hull a compté trois buts, se souvient-elle. Ce jour-là, je me suis dit que si j’avais été capable de faire ça, j’allais être capable de faire n’importe quoi dans la vie. »

Ghyslaine Côté Bélanger va mettre cette révélation à profit. Elle marie un agriculteur de Saint-Nazaire, Denis Bélanger, qui croit à l’importance de s’impliquer dans la collectivité. Elle a donc tout le champ libre quand sont formés les premiers comités d’agricultrices provisoires, qui deviendront par la suite des syndicats. Ghyslaine sera même membre fondatrice du Syndicat des agricultrices de la Beauce. Elle et son mari iront jusqu’à « faire la grève » pour convaincre la mère de Denis de mettre à exécution la vieille promesse de lui céder la ferme.

« Dans les années 85-86, rappelle-t-elle, il y avait comme un vent de changement. L’étude de Suzanne Dion venait de confirmer que les femmes étaient absentes des lieux de pouvoir, qu’elles ne possédaient rien. On avait l’écoute des gouvernements. Les femmes légalement mariées n’avaient pas droit à cette époque à la prime à l’établissement. »

« J’ai eu la chance de vivre ces années-là, ajoute-t-elle. Nous sommes sortis des sentiers battus. J’ai été critiquée. J’ai même entendu que je ferais mieux de retourner à mes chaudrons. Cela m’a fait un petit velours quand la Fédération de l’UPA de la Beauce est venue me solliciter pour que j’entre au conseil d’administration. »

Parallèlement à sa carrière d’agricultrice et de mère de trois enfants, dont une fille handicapée, Ghyslaine Côté Bélanger a trouvé le temps d’agir à titre de conseillère municipale, puis de mairesse durant 13 ans. Elle a également occupé le poste de préfet à la municipalité régionale de comté. Levée à 4 h 15 tous les matins, elle est consciente de profiter d’une excellente santé.

« À la ferme, dit-elle, je suis la femme à tout faire, celle qu’on appelait “l’homme à gages”. Je suis faite pour travailler dans la nature. J’ai toujours accompagné Denis. Hier, on ramassait de la roche. Le soin des animaux, la traite, c’est dans mes cordes. »

Ghyslaine Côté Bélanger n’a pas eu la chance d’aller à l’école très longtemps, puisqu’elle a dû prendre la relève de sa mère alors qu’elle était encore toute jeune pour s’occuper de ses 11 frères et sœurs. Qu’importe, songe-t-elle, elle a été « à l’université sur le terrain ». Aujourd’hui, à 65 ans, elle se réjouit à l’idée que la Ferme Belco pourra être cédée à l’un de ses fils, Jean-François, qui représente la cinquième génération. Que pense-t-elle de la situation actuelle des femmes en agriculture?

« La femme a des moyens si c’est son choix, avance-t-elle, non sans avoir pris un rare moment de réflexion. Il y a toujours de belles opportunités en agriculture, dont la chance d’être propriétaire d’une entreprise. Moi, je n’hésiterais pas une seconde à recommencer. »