Vie rurale 8 septembre 2014

Maraîchers contre vents et marées

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

L’histoire de la famille Legault, c’est un peu l’histoire de l’impact de l’étalement urbain sur l’agriculture.

La famille cultivait, à partir de la fin du 19e siècle, des terres qui font partie de l’actuelle ville de Mont-Royal. Une offre d’un spéculateur, dans les années 1910, a cependant incité le grand-père de Robert à vendre sa terre. En 1923, ce dernier entreprenait de déménager la ferme familiale à Laval sur son site actuel, qui se trouve dans le rang du Haut-Saint-François.

Le passage de l’autoroute 440, en 1961, a fait craindre une répétition du même scénario de déménagement forcé. Ce ne fut pas le cas, mais la terre a tout de même été amputée de 20 arpents pour laisser place au bitume.

« Une chance que mon grand-père a résisté. Sinon, on ne serait pas là aujourd’hui », affirme Jean-François Legault, qui est associé à son père, Robert, dans l’entreprise Les Jardins Legault Fournel.

Le grand-père en question, Jean-Guy, a pourtant reçu de nombreuses offres, parfois des sommes imposantes, pour céder son terrain et continuer à le cultiver en attendant un futur développement. À une certaine époque, il y avait presque un acheteur par semaine qui passait!

Plusieurs agriculteurs de Laval ont toutefois cédé à cette tentation et ont été obligés de laisser leurs terres le moment venu. Dans les années 70, il y a eu un « grand décapage » dans la région. La couche de terre arable a été enlevée et vendue. Elle a même été utilisée comme remblai pour la nouvelle autoroute! Des terres voisines de celle des Legault ont ensuite servi à recevoir de la terre de remplissage comprenant des morceaux de béton.

Jean-Guy Legault sentait tellement que sa ferme était en sursis à l’époque qu’il avait commencé à visiter des terres dans Lanaudière. Encore aujourd’hui, le père de Robert doute de la pérennité de l’entreprise sur son site actuel, qui se trouve d’ailleurs à peu de distance du nouveau pont de l’autoroute 25.

Malgré tout ce remue-ménage, la ferme a tenu bon et a même acheté une terre voisine dans les années 80 pour prendre un peu d’expansion. Les titres de propriété sont cependant complexes à Laval. Le lopin en question appartenait en effet à cinq propriétaires et la transaction aura pris quatre ans à se finaliser.

Marché en évolution

En plus de devoir composer avec la pression de l’étalement urbain, la ferme familiale s’est adaptée au changement graduel du monde de la distribution. Si la proximité de la ville a toujours donné l’occasion de faire des affaires, les moyens d’y arriver ont bien changé dans les dernières décennies.

Au début, le père de Robert vendait directement ses légumes à de petites épiceries près de la rue Sherbrooke à Montréal. « Il a fait sa vie avec ça », mentionne Robert, en précisant que les pommes de terre représentaient alors 50 % de la production.

Ensuite, Robert s’est rendu au Marché central pendant 12 ans, jusqu’en 1991. Le prix des emplacements avait tellement augmenté à l’époque qu’il aurait fallu décupler les volumes pour que ce soit rentable. De toute façon, les acheteurs se faisaient plus rares au Marché et la vie de nuit devenait lourde à porter.

Les Jardins Legault Fournel (le nom Fournel vient de Pauline, l’épouse de Robert) ont alors décidé de se tourner vers un nouveau kiosque qu’ils contribuent à tenir avec la collaboration du fils d’un des épiciers à qui Jean-Guy vendait des légumes à l’époque. Ce kiosque, tout près d’une sortie de la 440, est devenu l’un des principaux débouchés pour les légumes de la ferme. Des livraisons à la caisse sont aussi effectuées dans certains autres petits commerces. La ferme serait cependant incapable de fournir les grands distributeurs à coup de camions entiers contenant plusieurs palettes d’un même légume.

Depuis 2009, les Legault se sont également associés à quatre autres producteurs de Laval pour former une coopérative qui livre des boîtes de légumes directement à des particuliers sur leurs lieux de travail. Ce contact direct permet aussi de faire la promotion du kiosque. De 6 clients au départ, ce système de mise en marché est passé à 100 clients pour ensuite redescendre à 50.

Parmi les 12 enfants de la famille de Jean-Guy Legault, on compte 2 autres maraîchers. Denis s’est installé au Lac-Saint-Jean et Normand s’est implanté également à Laval. Ce dernier a d’ailleurs été président de la Fédération des producteurs maraîchers du Québec dans les dernières années. Plusieurs autres membres de la famille donnent encore un coup de main à la ferme.

Relève

La relève est en place depuis 2003 avec l’arrivée de Jean-François comme partenaire de l’entreprise. « Ce serait une joie de transmettre la ferme à un de mes enfants », lance le jeune agriculteur, dont les trois enfants ont moins de cinq ans. Du même souffle, il se demande toutefois ce que sera Laval dans 20 ans et si les pressions pour le dézonage auront finalement eu raison de la terre familiale.

Par ailleurs, la ferme peine à trouver la main-d’œuvre nécessaire à ses activités, particulièrement les fins de semaine. C’est pourquoi l’entreprise construisait des logements pour les travailleurs étrangers au moment du passage de la Terre le 13 août dernier.

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