Actualités 10 juillet 2017

79 ans sur la même terre

Des moissonneuses-batteuses, il en est passé à la ferme de Martial Savoie. Agriculteur depuis toujours, il est né sur son lopin de terre, a repris l’exploitation familiale et travaille aujourd’hui avec son fils.

Le battage, ça fait partie de sa vie. Le premier moulin à battage de la ferme, un McCormik, a été acquis par son père. « Mon frère l’a viré à l’envers, se rappelle M. Savoie. En 1964, j’ai choisi d’acheter une machine Dion pour le remplacer. »

À l’époque, Martial Savoie faisait le battage pour quelques clients aux alentours à 4 $ l’heure. En 1967, il a donc décidé d’investir 7 000 $ dans sa première moissonneuse-batteuse, une Case 660. « On n’était pas capables de payer cette somme d’un coup, dit-il. Alors, on avait pris des arrangements. La première année, on ne déboursait rien. La deuxième, on devait verser 1 000 $, et après, on faisait des paiements jusqu’au remboursement complet. » Cette acquisition lui a permis de hausser son taux horaire à 10 $, voire 11 $ l’heure.

La ferme des Savoie vue des airs. Crédit : Collection personnelle des Savoie
La ferme des Savoie vue des airs. Crédit : Collection personnelle des Savoie

À l’époque, les détenteurs de moissonneuses-batteuses étaient rares. « Il y en avait peut-être un ou deux dans le rang. » La période de battage était donc intense pour Martial Savoie. « Dans le temps, on était à l’air libre. Pendant deux semaines, il fallait faire 20 arpents par jour. On s’arrêtait juste avec la rosée. Quand elle arrivait, on entendait la machine changer de son. »

Savoie se remémore même une année où il a fait des battages pendant pratiquement deux jours sans arrêt. « La fraîche n’était pas venue le soir. On avait donc travaillé toute la nuit, se souvient-il. Le lendemain, je faisais mon train avec ma femme quand mon voisin, qui était aussi pressé de battre son champ, est arrivé pour me demander quand je serais en mesure d’y aller. Je lui ai répondu que je finirais mon train et que je me rendrais chez lui tout de suite après. Il était surpris. En plus, il faisait chaud cette journée-là : les yeux me fermaient tout seuls. »

Savoie a conservé sa Case 660 durant 10 ans. Après quoi, il en a eu assez. Mais le battage ne quitte pas si facilement son homme. Quelques années plus tard, il a fait l’acquisition d’une John Deere 7720 avec un voisin. Puis, il s’est procuré une John Deere 9510. À partir de ce moment-là, c’est son fils Martin qui a fait les battages.

Les Savoie sont de grands amateurs de machinerie agricole. Certains de leurs tracteurs datent d’une autre époque. Crédit : Charles Prémont
Les Savoie sont de grands amateurs de machinerie agricole. Certains de leurs tracteurs datent d’une autre époque. Crédit : Charles Prémont

Les moissonneuses-batteuses sont devenues tellement performantes qu’il faut désormais se faire payer à l’arpent. « Sinon, il faudrait presque demander 200 $ l’heure. Ça n’aurait pas de bon sens, dit Martial Savoie. Mais le fait de facturer à l’arpent, ç’a aussi un défaut : il faut que les gars soient en mesure de fournir. Quand on fonctionnait selon un taux horaire, nos clients faisaient tout pour qu’on ne s’arrête pas, mais à l’arpent, ça ne change rien pour eux. Ils sont un peu moins pressés. »

Aujourd’hui, la ferme des Savoie loue une immense John Deere S660, une bête à la cabine conditionnée qui se conduit pratiquement toute seule. Elle vaut au bas mot 450 000 $. « Avoir une moissonneuse-batteuse, ce n’est pas rentable, explique Martial. Ça ne sert pas assez souvent et plusieurs agriculteurs en ont une. Il y a assez de compétition pour garder les prix bas. C’est un coût qui entre dans ton budget de roulement. Le vrai avantage d’en avoir une, c’est que tu peux battre les champs dès que tu es prêt. Ça fait de plus belles récoltes, pour le grain surtout. »

Charles Prémont, journaliste