Vie rurale 8 septembre 2014

Une biographie retrace la carrière cinématographique de l’abbé Proulx

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

Pour l’historien Marc-André Robert, bien que méconnu de notre histoire, l’abbé Maurice Proulx (1902-1988) fait partie des pionniers du cinéma québécois.

Ce prêtre, agronome, travailleur social et cinéaste autodidacte a mis en lumière le monde rural des années 1940 et 1950 à travers la cinquantaine de films documentaires et d’information gouvernementale qu’il a réalisés durant cette période.

Il n’existait pourtant aucun ouvrage consacré exclusivement à cet artisan du septième art. C’est chose faite. M. Robert vient de publier aux Éditions Septentrion un premier essai biographique intitulé Dans la caméra de l’abbé Proulx. La société agricole et rurale de Duplessis.

« L’abbé Proulx incarne ce cinéma artisanal des années qui précèdent la Révolution tranquille, réalisé surtout par des prêtres-cinéastes », dit l’auteur en entrevue. Son cinéma demeure parmi les seules images encore existantes du Québec des deux décennies qui suivront, ce qui constitue à ses yeux un trésor ethnographique. On y voit la vie au quotidien de la société rurale de l’après-guerre.

Né le 13 avril 1902 à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud, dans la région de Montmagny, Maurice est le fils aîné de Fortunat Proulx et Gratia Blais. Élève doué, il fait son cours classique au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Il étudie ensuite au Grand séminaire de Québec et est ordonné prêtre en 1928, à 26 ans. L’année suivante, il s’inscrit en sciences agricoles à l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.

Passion du cinéma

Au début de son ouvrage, M. Robert raconte comment, étudiant en agronomie à l’Université Cornell aux États-Unis, Maurice Proulx développe une passion pour le cinéma en fréquentant les théâtres dans le but d’apprendre l’anglais. Il réalise alors le potentiel pédagogique des films documentaires pour l’enseignement de l’agronomie. Il acquiert sa première caméra.
Invité par le secrétaire de la Société de colonisation du diocèse de Québec, l’abbé François-Xavier Jean, à accompagner un groupe de colons pour filmer les balbutiements d’une colonie en Abitibi, il produit son premier film intitulé En pays neufs : un documentaire sur l’Abitibi (1934-1937.) Pour le présenter au Pavillon de la Colonisation à l’Expo provinciale de Québec, l’abbé Proulx va à New York apprendre à sonoriser son film auprès d’un ingénieur de son. Il devient alors le premier Canadien français à réaliser un film sonore dans la province de Québec.

Duplessis et modernisme

M. Robert dit de l’abbé Proulx qu’il est un proche collaborateur du premier ministre libéral Adélard Godbout. Leur amitié remonte à l’époque où ce dernier lui enseignait à l’École d’agriculture. Changement de pouvoir oblige, l’abbé Proulx devient dans les années 1940 et 1950 le cinéaste officiel du gouvernement de l’Union nationale dirigé par Maurice Duplessis. Les films de l’abbé Proulx représentent-ils pour autant des objets de propagande à la solde de l’Union nationale?

À certains égards, l’œuvre cinématographique de l’abbé Proulx constitue, selon M. Robert, une vitrine publicitaire des réalisations du « chef » et occulte celles des gouvernements libéraux qui ont précédé l’arrivée au pouvoir de Duplessis. En contrepartie, ajoute-t-il, rien ne laisse croire à une ingérence politique sur les lieux de tournage. Rien non plus, ne permet d’affirmer que son contenu aurait été vraiment différent si les films avaient été commandés par Adélard Godbout, par exemple.

Selon Marc-André Robert, Maurice Proulx jette un regard franc sur la société agricole et rurale à travers l’objectif de sa caméra. Mieux encore, le cinéaste se démarque comme un homme assez moderne pour son époque qui n’hésite pas à encourager le développement d’innovations technologiques. Il est comme une chandelle allumée dans cette tranche de l’histoire du Québec précédant la Révolution tranquille que l’on décrit comme la Grande Noirceur.
Service social

En 1953, à la demande de l’évêque du diocèse de Sainte-Anne, Mgr Bruno Desrochers, l’abbé Proulx participe à la fondation du Service social de l’enfance et de la famille, à La Pocatière.

Il s’occupe d’adoption et délaisse peu à peu son travail de cinéaste.

Marc-André Robert note que certains films de l’abbé Proulx, patrimoine national depuis 1977, sont disponibles gratuitement sur le site Internet de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ) au www.banq.qc.ca.