Environnement 14 juin 2017

Nouveau frein à la mise en culture de milieux humides

Il pourrait devenir de plus en plus difficile de défricher des terres qui se trouvent en milieu humide comme dans une plaine inondable, un marais ou une tourbière.

Le projet de loi 132 prévoit en effet empêcher toute « perte nette » de superficie des milieux humides ou hydriques au Québec. « Il y a des dizaines de milliers de producteurs qui vont avoir un impact parce que ces milieux humides se retrouvent dans les terres agricoles ou les boisés », a expliqué Martin Caron, 2e vice-président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), en commission parlementaire, le 11 mai dernier.

Le projet à l’étude en commission parlementaire propose de compenser toute utilisation des milieux humides ne pouvant être évitée par un paiement à un fonds ayant pour mission de restaurer et conserver des milieux humides équivalents. Le montant de la compensation pourrait atteindre 40 $ par mètre carré dans la zone 1, celle où les milieux humides sont le plus rares. L’extraction de tourbe et l’établissement d’une cannebergière ou d’une bleuetière sont toutefois exemptés des compensations lorsque les travaux se limitent à du remblai ou du déblai. Notons aussi que les fossés ne font pas partie de la définition de milieu humide.

Par ailleurs, un plan régional des milieux humides et hydriques devra être élaboré par le milieu municipal afin notamment de prévoir comment les superficies de milieu humide perdues seront compensées. Des modifications au projet de loi 132 sont toujours possibles, mais le vote final en chambre pourrait toutefois survenir rapidement, peut-être même avant les vacances d’été.

Éviter l’expropriation déguisée

Parmi ses demandes, l’Union demande notamment d’exempter les activités agricoles et sylvicoles du versement d’une compensation financière comme condition pour autoriser une intervention dans un milieu humide. L’UPA considère que les travaux en question sont « réversibles » et à « faible risque ».

Elle réclame aussi des règles de compensation « équitables » pour les propriétaires qui devront protéger un milieu humide pour la collectivité. Il s’agit pour l’UPA d’éviter une « expropriation déguisée ».

Le mémoire déposé par l’UPA souligne également que les règlements qui accompagneront la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques ne sont pas connus. On ne sait donc pas encore ce qui sera considéré comme des activités à risque faible ou négligeable. L’UPA aimerait aussi être consultée par le monde municipal pour l’élaboration des plans régionaux.

De son côté, la Fédération des producteurs forestiers du Québec a également déposé un mémoire, demandant notamment de tenir compte du niveau de risque des interventions dans les marais, étangs, tourbières ou marécages. La Fédération souligne qu’il n’est plus nécessaire de demander un certificat d’autorisation pour les activités sylvicoles à faible risque comme la récolte de bois. Elle précise qu’il existe déjà des ententes volontaires avec les propriétaires pour protéger les milieux humides.

Terres noires ou tourbières?

« J’ai 650 arpents de terres noires, dont 220 de cultivés. Avec cette loi, on ne pourra plus rien faire. Je perds des centaines d’arpents», lance Pierre Hubert, propriétaire des Jardins Hubert et Frères, de L’Assomption, en entrevue à La Terre. Ce dernier a fait parvenir son mémoire à l’Assemblée nationale. Pierre Hubert déplore aussi l’exigence d’une étude de caractérisation avant de mettre des milieux humides en culture. Dans son cas, c’est 50 000 $ qui s’ajoutent aux frais de compensation et de défrichage. Il considère que tout cela met un frein à son projet de cultiver 50 à 75 arpents de plus.

Jean-Bernard Van Winden, du groupe VegPro, critique de son côté la définition de tourbière qui s’applique à des terres noires en friche dans la plus grande région maraîchère du Québec. « Ce ne sont pas des tourbières; les arbres n’ont pas les racines dans l’eau », indique le producteur, qui se bute depuis des années au refus des autorités d’autoriser le défrichage de ces terres.