Économie 25 avril 2017

La Caisse défend son investissement dans Pangea

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) confirme et défend son investissement de 10 M$ dans Pangea pour l’achat de terres. L’Union des producteurs agricoles (UPA) s’y oppose fermement.

« Notre modèle qu’on veut soutenir, c’est un modèle familial », a même expliqué Christian Dubé, 1er vice-président de la section Québec à la CDPQ, en entrevue à la Terre sur sa nouvelle stratégie de 125 M$ en agroalimentaire.

« Il ne faut pas que la terre se paie trop cher », ajoute le vice-président, qui précise qu’un expert du milieu sera chargé de vérifier qu’il n’y a pas de surenchère sur le prix des terres à cause des activités de Pangea. Le dirigeant de la CDPQ estime que le modèle de Pangea répond à un « besoin » et que ça « fonctionne ». Le Fonds de solidarité de la FTQ, qui injecte également 10 M$ dans Pangea, considère de son côté qu’il s’agit d’un « modèle alternatif et complémentaire pour la relève ».

« On veut appuyer les jeunes entrepreneurs et agriculteurs qui peuvent tirer leur épingle du jeu », soutient Christian Dubé, qui spécifie vouloir s’occuper des enjeux de relève ou encore d’équipement avec des investissements directs de la CDPQ et par le biais de divers fonds spécialisés externes, qui ne sont pas dévoilés pour le moment (sauf ceux de Pangea).

L’UPA dénonce

« Que la Caisse s’intéresse à l’agriculture, ce n’est pas une mauvaise nouvelle, mais si ça vient compétitionner les entreprises agricoles, on ne peut pas être d’accord », explique Marcel Groleau, président de l’UPA, en entrevue à la Terre. Ce dernier se demande par ailleurs qui sera l’expert mandaté par la Caisse pour éviter la surenchère sur le prix des terres. « Est-ce que ce sera Serge Fortin, de Pangea? » s’interroge le président.

Marcel Groleau affirme que le modèle de Pangea n’est pas la meilleure façon d’aider la relève puisque les agriculteurs partenaires deviennent, selon lui, de simples « opérateurs » pour Pangea. L’UPA ne comprend donc pas pourquoi de l’argent public servirait à soutenir ce modèle.

Le président rappelle que la CDPQ gère les fonds accumulés par La Financière agricole du Québec (FADQ) et qui s’élèvent à un minimum de 300 M$ en ce moment. Il trouve « paradoxal et ironique » qu’une partie de ces fonds puissent finir dans les coffres de Pangea. Marcel Groleau estime qu’une amélioration des programmes de gestion des risques en agriculture serait un signal beaucoup plus positif pour la relève, et serait de nature à stimuler l’investissement agricole partout au Québec.

Le ministre Lessard préoccupé

« Le ministre est très préoccupé par ça », a commenté Mathieu Gaudreault, porte-parole du ministre Laurent Lessard, à propos des fonds obtenus par Pangea. Ce dernier ajoute que le ministre tient à un modèle agricole qui « repose principalement sur des fermes familiales » où les producteurs sont « propriétaires et non pas locataires ». Le ministre n’a pas le pouvoir de bloquer la transaction, mais il va « poser des gestes pour concilier les enjeux de développement économique, d’aménagement du territoire et la préservation des superficies à vocation agricole ». Il n’y a pas de projet de loi en vue pour le moment.

Contrer l’accaparement

Le Parti québécois dénonce l’« inaction » du gouvernement dans le dossier de l’accaparement des terres et demande l’appel de son projet de loi 599 pour contrer cet accaparement.

Même son de cloche de Québec solidaire. « C’est très inquiétant de voir que la CDPQ ainsi que le Fonds de solidarité FTQ s’apprêtent à financer la consolidation des terres agricoles dans les mains d’un groupe restreint d’investisseurs. Le gouvernement doit bloquer la transaction annoncée », a commenté Amir Khadir, député de Mercier.

La CAQ veut baliser Pangea

« L’arrivée de capitaux en agriculture est une bonne nouvelle », commente Donald Martel, porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ), qui comprend cependant les « inquiétudes de l’UPA, qui peuvent être justifiées ». Il souhaite donc que le ministre de l’Agriculture assoie les deux parties afin de trouver des solutions. « Il va falloir qu’il y ait des balises », estime Donald Martel.