Actualités 24 avril 2017

Les 5 « beaux malaises » liés aux pesticides

Dans un contexte où l’utilisation des pesticides est de plus en plus contestée, l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ) a mis en place son propre outil d’encadrement, qui vise à diminuer les risques des pesticides pour l’humain et l’environnement.

Le concept en vigueur dès maintenant est salué par plusieurs, mais son application sur le terrain crée des malaises. Cinq « beaux malaises » qui, à défaut d’être aussi drôles que la série de l’humoriste Martin Matte, soulèvent des points intéressants.

Malaise no1 : un inspecteur surveillera les agronomes

L’OAQ oblige, dès 2017, ses membres à utiliser sa nouvelle grille de référence pour chaque recommandation en phytoprotection. Un inspecteur engagé par l’Ordre vérifiera à l’automne le travail de l’agronome. « Si un membre n’a pas respecté la grille, s’il n’a pas parlé des risques associés aux pesticides, de l’importance des bandes riveraines et autres, le comité d’inspection pourra lui donner des sanctions, allant jusqu’à la radiation», précise Guillaume LaBarre, directeur de l’Ordre.

Des agronomes contactés par la Terre ont mentionné ne pas avoir été informés de cette obligation de suivre la grille de référence. Guillaume LaBarre assure que les renseignements ont été « largement communiqués » dans des bulletins d’information, lors de rencontres et autres.

Si la surveillance par un inspecteur semble exagérée pour certains agronomes, Guillaume LaBarre rappelle que l’OAQ n’est pas là pour représenter ses membres : son mandat consiste à encadrer la profession et à protéger le public en matière de pratique de l’agronomie.

Malaise no 2 : le milieu ne semble pas prêt

Le président du Groupe Uniconseils, Ghislain Pion, estime qu’il manque de données pour appliquer avec efficacité la grille de référence de l’Ordre. « Plusieurs producteurs inscrivent les pesticides qu’ils utilisent sur un bout de papier qu’ils ne retrouvent plus. On n’a pas leur historique d’application. De plus, on n’a pas d’informations précises sur les types de mauvaises herbes présents dans chaque champ», dit M. Pion, lui-même agriculteur. Concernant le plan de phytoprotection demandé par l’Ordre, lequel est non obligatoire, une agronome du Centre-du-Québec mentionnait qu’il est trop tard, à quelques jours des premiers arrosages, de se « mettre la tête sur le bûcher », c’est-à-dire signer des plans de phytoprotection, sans détenir toutes les données nécessaires.

Malaise no 3 : agronomes liés et non liés

L’obligation de suivre la grille de référence en phytoprotection de l’Ordre pourrait désavantager les agronomes non liés (à un détaillant de pesticides), comme ceux qui travaillent pour un club-conseil. De fait, la documentation qu’impose la grille représente plusieurs heures de travail, qui devront être chargées aux clients. À l’inverse, le même travail effectué par des agronomes œuvrant pour un détaillant de produits phytosanitaires n’est généralement pas facturé au producteur, le prix étant plutôt inclus dans le coût des produits. « Cette inquiétude revient régulièrement, mais nous croyons que les actes agronomiques signés ne devraient pas représenter des coûts énormes. Je doute que ça entraîne une migration de la clientèle », mentionne Guillaume LaBarre. Il précise que tous les agronomes ont les mêmes responsabilités et le même code de déontologie. Il n’y a pas lieu de faire une différence entre agronomes liés et non liés.

Malaise no 4 : l’industrie invitée à détailler ses factures

L’OAQ demande à l’industrie de détailler davantage les factures des pesticides vendus aux producteurs. « On veut que l’agriculteur sache, sur la facture, que tel produit est accompagné d’un service agronomique, qu’il fait partie d’un acte signé par un agronome ou à l’inverse, que tel pesticide n’est pas inclus dans un acte signé », explique Guillaume LaBarre. À l’Association professionnelle en nutrition des cultures, le directeur Yvan Lacroix rapporte que les membres de l’industrie qu’il représente n’ont pas encore pris position relativement à cette demande de l’OAQ. « Nous avons eu des échanges avec l’Ordre, mais nous ne savons toujours pas ce qu’ils veulent comme facturation plus détaillée », répond  M. Lacroix.

Malaise no 5: une formation trop évasive

Près de 250 agronomes ont suivi l’hiver dernier une formation de trois jours dispensée par l’OAQ. L’objectif global, comme le stipulait le plan de cours, consistait à s’assurer que les agronomes sont en mesure d’offrir des services-conseils en protection des cultures.

Or, plusieurs en sont ressortis déçus. « C’était très sommaire comme formation. On n’entrait dans aucun détail sur les pesticides. En gros, on nous a dit d’effectuer une bonne tenue des dossiers et de proposer des pesticides moins nocifs. Rien de vraiment nouveau », a confié un participant de la Montérégie, qui estime avoir perdu son temps et quelque 400 $ avec ce cours.

Le président de l’Ordre, René Mongeau, reconnaît que la formation a créé de l’insatisfaction. Il mentionne cependant que celle-ci ne visait pas à enseigner des éléments très techniques, car l’objectif consistait plutôt à conscientiser les agronomes à une nouvelle approche destinée à diminuer les risques.