Élevage 18 avril 2017

De plus en plus difficile de recruter

« On est constamment à une blessure près de manquer d’effectif », indique Martin Fournier, vétérinaire et copropriétaire de la Clinique vétérinaire de l’Estuaire, qui compte des succursales à Mont-Joli, à Amqui et à Rimouski.

Le spécialiste explique que sa clinique a réussi à recruter des candidats dans la dernière décennie avec l’aide d’une subvention de 10 000 $ par an pendant trois ans, ce qui permettait de favoriser l’implantation de vétérinaires en région éloignée. Malheureusement, la clinique n’a plus accès à ce soutien depuis quelques années. « Ça commence à être plus difficile de recruter des professionnels », estime-t-il, ajoutant qu’une récente coupe de 6 $ par visite en frais de déplacement, remboursés par le programme Amélioration de la santé animale du Québec (ASAQ), ne va pas accroître la capacité d’embauche des cliniques de régions éloignées par rapport aux régions plus centrales.

Il n’y a pas de clinique vétérinaire entre Mont-Joli et Gaspé, ce qui force parfois des sorties d’urgence de 200 km, aller seulement. Il devient difficile de desservir ces zones moins accessibles, en particulier pour des espèces animales plus marginales.

« On cherche toujours un vétérinaire », indique Martin Fournier, qui se dit « inquiet » pour l’avenir, d’autant que certaines régions devront composer avec un nombre accru de retraites et avec l’abandon de la prise en charge des grands animaux par certains jeunes vétérinaires. Le professionnel espère que le renouvellement de l’ASAQ, qui fera partie d’un nouveau programme, pourra mieux soutenir les régions éloignées. « Pour le moment, ils ont fait des compressions. On considère qu’on est perdants », déplore-t-il.

Rétention compliquée en Montérégie

« On arrive à embaucher des candidats, mais on a un départ sur deux après un bout de temps », indique Catherine Tremblay, vétérinaire et copropriétaire du Bureau vétérinaire d’Upton, spécialisé dans les bovins, les chevaux et les autres ruminants. Plusieurs nouveaux délaissent carrément la profession où se redirigent vers le soin des petits animaux. Durant son année de diplomation, en 2002, Catherine Tremblay estime qu’environ la moitié des 12 finissants qui se spécialisaient dans le traitement des grands animaux s’est réorientée. Le Bureau vient de faire l’embauche d’un vétérinaire en prévision d’un congé de maternité. Deux techniciennes en santé animale complètent aussi l’équipe de huit professionnels. « Ç’a été notre réponse pour pallier le manque de vétérinaires », indique Catherine Tremblay. Les spécialistes peuvent ainsi se concentrer sur les tâches plus complexes.

La vie de vétérinaire

Il reste que les contraintes de la vie de vétérinaire spécialisé dans le soin de grands animaux en découragent plusieurs. Au bureau d’Upton, chacun des professionnels doit être de garde une fois par semaine, de 16 h au lendemain matin, pour couvrir les urgences. Le fait d’être sur la route avec un camion-clinique diminue les contacts avec les collègues, même si une connivence tacite se développe avec les agriculteurs, notamment en raison du suivi de la gestation des vaches. Catherine Tremblay admet également que c’est un métier physiquement éprouvant, car le corps est souvent en position « très asymétrique ». La vétérinaire s’inquiète aussi un peu de la transition de deux ans à passer avant d’avoir accès au nouveau programme qui remplacera l’ASAQ.

Le MAPAQ se veut rassurant

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) se veut rassurant. « Toutes les régions du Québec sont adéquatement desservies par des médecins vétérinaires pour les espèces incluses dans le programme ASAQ. » Le MAPAQ admet cependant que la relève pour les vétérinaires d’animaux de ferme est un « enjeu ». C’est pourquoi le ministère participe à divers comités et à la Stratégie québécoise de santé et de bien-être des animaux pour chercher des solutions.

De l’aide financière spécifique a néanmoins été attribuée dans des régions à moins forte densité animale, lorsque le remplacement d’un vétérinaire pratiquant seul est nécessaire et pour l’intégration d’un nouveau spécialiste. Cela a été le cas en 2015-2016 dans les régions de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, de Charlevoix–Côte-Nord, des Laurentides et de l’Outaouais. Le MAPAQ refuse toutefois de divulguer quelque montant d’aide que ce soit par région.

VOIR AUSSI
Menace d’une pénurie de vétérinaires au Québec