Actualités 29 mars 2017

Pneus ou chenilles?

Pneus ou chenilles? Quelle est la meilleure solution pour régler les problèmes de compaction? L’UtiliTerre a demandé à des experts de nous parler des avantages et inconvénients de chacun.

Depuis le début des années 2000, on voit de plus en plus de chenilles dans les champs au Québec et partout dans le monde. Pourquoi? « Étant donné que la surface de contact au sol est plus grande avec des chenilles, on obtient trois à quatre fois plus de flottaison qu’avec des pneus », explique Nicolas Dubuc, spécialiste des solutions agricoles pour Soucy Track, une entreprise spécialisée dans la fabrication de chenilles. Établie à Drummondville, Soucy Track compte plus de 1 500 employés dans le monde.

Un tracteur équipé de chenilles de 12 po Soucy Track tirant une arroseuse, elle aussi montée sur des chenilles de 12 po, arrose de la laitue dans la région de Sherrington, au Québec. Crédit photo: Soucy Track
Un tracteur équipé de chenilles de 12 po Soucy Track tirant une arroseuse, elle aussi montée sur des chenilles de 12 po, arrose de la laitue dans la région de Sherrington, au Québec. Crédit photo: Soucy Track

« Les chenilles réduisent considérablement la compaction du sol, ce qui permet de faire de meilleures récoltes », souligne pour sa part Éric Blondeau, directeur général, Gammes de produits chenilles et roues chez Camso. Des tests indépendants ont d’ailleurs démontré que l’utilisation des chenilles permet d’augmenter le rendement de 5 à 7 %. « Les chenilles coûtent plus cher, mais c’est un investissement rentable », dit-il.

Une meilleure flottaison permet aux producteurs d’aller dans les champs même quand les conditions sont très humides. « Les chenilles sont très populaires pour la récolte de riz aux États-Unis, car on cultive celui-ci dans l’eau. Au Québec, ce sont les producteurs maraîchers qui font de grandes cultures en rang qui adoptent le plus les chenilles », ajoute M. Dubuc. Pour passer entre les rangs de maïs par exemple, les producteurs utilisent des chenilles étroites de 12 à 16 po, ce qui leur permet d’avoir une grande empreinte au sol tout en demeurant dans les rangs étroits. Des producteurs de canneberges ont aussi adopté les chenilles pour travailler dans les sols gorgés d’eau.

Utiliser des chenilles, c’est un peu comme utiliser des raquettes en hiver, ça permet de mieux répartir le poids, estime Vincent Lamarre, ingénieur et spécialiste en compaction des sols à l’Institut de technologie agroalimentaire, campus de La Pocatière. Sur la photo, on peut voir les nouvelles chenilles à haute vitesse de Camso. Crédit photo: Camso
Sur la photo, on peut voir les nouvelles chenilles à haute vitesse de Camso. Crédit photo: Camso

Les chenilles ont conquis des segments de marchés comme les gros tracteurs de puissance, les semoirs et les batteuses, mais il est difficile d’imaginer que l’on pourrait retrouver des chenilles sur toutes les machines agricoles, admet M. Soucy. « Peu importe le choix, il faut faire des compromis, dit-il. Plusieurs clients décident de convertir seulement certaines machines de leur flotte, car ça leur permet de travailler dans différentes conditions. »

Par exemple, plusieurs producteurs trouvent que les vitesses de pointe des tracteurs sur chenilles sont trop lentes. C’est la raison pour laquelle Camso a lancé un système de conversion de chenilles (CTS) à haute vitesse, qui permet d’atteindre près de 40 km/h, soit une vitesse similaire à une machine sur roues. « C’était un des plus gros freins pour les agriculteurs », note M. Blondeau, qui croit que les chenilles offrent beaucoup plus d’avantages que les pneus.

Autre nouveauté de Camso : les chenilles de remplacement AG2500. « Ce sont celles qui offrent les meilleures performances sur le marché et elles sont 15 % moins chères que la compétition », soutient l’expert de Camso.

Attention au poids, même avec des chenilles

« La première vocation des chenilles est d’offrir plus de portance quand les producteurs utilisent des véhicules lourds ou dans les endroits où les sols sont humides, note Vincent Lamarre, ingénieur et spécialiste en compaction des sols à l’Institut de technologie agroalimentaire, campus de La Pocatière. Ça peut être pratique pour des producteurs qui ne peuvent pas attendre pour faire un traitement, par exemple. C’est toutefois une erreur de s’équiper de chenilles pour aller plus loin dans de mauvaises conditions ou pour charger encore plus les équipements. »

La réplique des pneus

Devant l’importance de plus en plus grande accordée à la réduction de la compaction dans les champs et la concurrence accrue des chenilles, les manufacturiers de pneus ne sont pas restés les bras croisés. « Les fabricants misent maintenant sur des pneus à basse pression de gonflage pour transporter des charges plus grandes », note M. Lamarre. Lorsqu’il y a moins d’air dans les pneus, il y a moins de pression au sol.

Par exemple, Michelin a développé des pneus de technologie Ultraflex, plus larges, qui augmentent la traction tout en réduisant la compaction, comme le Axiobib IF, le Sraybib VF et le Yieldbib VF, pour ne nommer que ceux-ci. « Au lieu de mettre 23 lb d’air dans le pneu, on peut réduire à 15 lb selon la vitesse de déplacement et le poids à transporter », souligne Patrick Marcotte, responsable, Développement et maintien des ventes agroindustrielles chez Robert Bernard.

Les systèmes de chenilles sont installés sur des machines neuves, mais il est aussi possible de remplacer un système sur roues par un système sur chenilles. Il existe également des systèmes non motorisés qui peuvent être installés sur les équipements tirés par les tracteurs (trail track system). Crédit photo: Camso
Les systèmes de chenilles sont installés sur des machines neuves, mais il est aussi possible de remplacer un système sur roues par un système sur chenilles. Il existe également des systèmes non motorisés qui peuvent être installés sur les équipements tirés par les tracteurs (trail track system). Crédit photo: Camso

Même si les chenilles offrent des avantages intéressants pour la traction, M. Marcotte croit que les pneus demeurent l’option la plus polyvalente. « C’est plus confortable, moins cher, ça consomme moins de carburant et tu peux rouler plus vite avec des pneus », dit-il. Il faut aussi choisir le bon pneu selon le type de sol et la culture, ajoute l’expert, qui croit que l’offre de pneus de super large volume continuera à grossir au cours des prochaines années. « Les machines sont de plus en plus grosses et lourdes. Les manufacturiers ajustent donc la taille des pneus en fonction de celles-ci », dit-il.

Encore une fois, la réduction de la pression au sol entraîne des effets pervers, car les producteurs tendent à augmenter les charges au sol. « Avec des charges trop grandes, c’est comme si on blessait le sol à chaque passage », ajoute M. Lamarre.

Bien ajuster avant d’acheter du neuf

Vincent Lamarre croit qu’il est préférable de faire une bonne analyse du travail effectué avant de se lancer dans de gros investissements, car il est possible de s’améliorer avant de penser à changer les choses. « Il faut revenir au concept de charge par essieu. Quand tu transportes 20 tonnes, tu imposes un effort important sur le sol, même si tu as un super pneu. Physiquement, ça ne paraît peut-être pas, mais la charge est imposée plus profondément dans le sol. »

Pour réduire la compaction des sols, l’expert recommande aussi de bien régler les pneus en fonction de la charge imposée et de la vitesse d’avancement. Plus la vitesse est grande et plus les pneus doivent être gonflés, rappelle l’ingénieur. Pour chaque modèle et dimension, des fiches techniques sont disponibles pour connaître les réglages optimaux.

Le tracteur doit aussi être équilibré, mentionne M. Lamarre. « On peut aller chercher une meilleure efficacité de traction en équilibrant les charges sur le tracteur », dit-il.

Pratiques culturales pour réduire la compaction

Est-ce que toutes les opérations que vous faites aux champs sont vraiment nécessaires? Si la réponse est non, vous devriez peut-être en profiter pour réduire les passages dans vos champs, suggère Vincent Lamarre. « Plus on augmente la fréquence des passages, plus on densifie le sol », dit-il. Lorsque c’est possible, il faut donc réduire au maximum les passages aux champs.

La différence entre les chenilles et les pneus

Avec une plus grande surface de contact, les chenilles permettent de réduire la compaction du sol. Selon une étude menée par Camso, les chenilles réduisent la pression au sol de 53 % et diminuent de 20 % la compaction.

Il y a aussi 2,5 fois plus d’absorption d’eau au niveau du sol, là où les chenilles ont été utilisées. Les racines sont plus larges et plus en santé et les récoltes augmentent de 5 %. 

Guillaume Roy, Collaboration spéciale