Vie rurale 5 septembre 2014

Marché central: reconstruire ou déménager

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

Le Marché central, au nord de Montréal, vieillit et ne répond plus aux besoins actuels et futurs des producteurs et des clients qui le fréquentent depuis plus de 50 ans.

« Nous avons des décisions à prendre afin de le revitaliser », convient André Plante, directeur général de l’Association des producteurs maraîchers du Québec.

Deux scénarios sont envisagés : construire un nouveau bâtiment multifonctionnel sur l’actuelle Place des producteurs, ou encore quitter les lieux et emménager dans des bâtiments existants, tout près du Marché central.

« Le projet de reconstruire peut nécessiter des investissements de 50 à 60 M$, évalue-t-il. Et c’est nous autres, les producteurs, qui risquent de devoir trouver l’argent et le financement. Par contre, si on décidait de déménager, le propriétaire du Marché central se montre disposé à nous relocaliser à ses frais, dans une bâtisse clé en main. »

André Plante reconnaît que les enjeux sont importants et que ce sont les producteurs eux-mêmes qui prendront la décision définitive, en toute connaissance de cause. Il rappelle qu’en 2011, ces mêmes producteurs ont rejeté un projet de déménagement de leur Place du marché vers Anjou, plus à l’est. Celui-ci était évalué à 47 M$ et prévoyait la construction d’un nouveau bâtiment de 2 millions de pieds carrés.

Cette fois, cependant, il semble que le fruit soit plus mûr. C’est que la réalité des producteurs maraîchers a évolué rapidement, et radicalement.

« Il y a 15 ans, évoque-t-il, 75 % des ventes de fruits et légumes, que ce soit par les grossistes ou ici à la Place des producteurs, se faisaient sur place. Le client se déplaçait pour s’approvisionner. Il passait la nuit sur les quais et allait voir les producteurs. Aujourd’hui, c’est l’inverse : 75 % des ventes des grossistes se font chez le client, au moyen de flottes de camions. Ils vont livrer à travers le Québec. »

Selon lui, ce phénomène a été amplifié par la rationalisation des petites fruiteries, qui a donné naissance à des regroupements.« Et on entend des acheteurs nous dire que leur fils ou leur fille ne sont plus intéressés à faire comme eux, ajoute-t-il. Ils leur disent : ce n’est pas vrai que je vais passer la nuit au Marché central. Je vais plutôt contacter les fournisseurs et ils vont livrer la marchandise directement au commerce. »

Créer un pôle logistique

André Plante croit que les producteurs n’ont guère le choix de s’adapter s’ils veulent prendre le virage pendant qu’il est encore temps. Il ne s’agit plus d’attendre les clients, mais plutôt de les attirer avec de nouveaux services.

« La nouvelle Place du marché doit devenir un guichet unique, soumet-il. Nous devons créer un pôle logistique qui nous permettra d’assurer nous-mêmes la livraison des fruits et légumes aux clients. Il nous faut une nouvelle plateforme de commercialisation accessible 12 mois par année, et non pas sur une base saisonnière », explique le directeur général.

Le projet montréalais pourrait s’inspirer de ce qui se fait dans certaines grandes villes américaines, comme à Chicago et, plus récemment, Philadelphie, où les producteurs côtoient les grossistes sans se piler sur les pieds.

Il ne cache pas que ce serait « économiquement rentable pour l’État » qu’un projet novateur prenne vie, au moment où l’on parle de l’importance de soutenir le secteur agroalimentaire en incitant les consommateurs à « manger Québec ».

« Ce serait une façon de prendre notre destinée en mains, croit-il, en supervisant la distribution de nos produits. C’est toute la filière québécoise qui en bénéficierait. Nous en sommes là. »