Vie rurale 5 septembre 2014

Dimanche matin dans les tartinades

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Fraises et basilic, framboises et noix de coco… des mariages inusités? Pas pour Annie-Claude, déterminée à mettre sur la table des Québécois des tartinades hors du commun.

Dans la jeune vingtaine, Annie-Claude St-Jean, de Crabtree dans Lanaudière, constitue l’exemple typique d’une jeune femme issue d’un milieu rural. Elle s’est lancée dans l’aventure de la production et de la vente de produits du terroir.

Comme beaucoup d’autres de sa génération, il lui a fallu plusieurs tentatives avant de trouver sa voie. Après avoir étudié en criminologie et en cinéma, elle a finalement obtenu un baccalauréat en art. Diplôme en main, elle s’est alors engagée comme agente de bord pour la compagnie Sunwing Airlines. « C’était un mode de vie essoufflant, j’étais toujours sur appel, se souvient-elle. Au fil du temps, je me suis cependant découvert une passion pour les fruits. » Une passion qui allait changer son destin.

Fatiguée des voyages, elle est graduellement revenue sur terre à la fin de 2012. La jeune femme s’est alors lancée dans la production de pots de tartinades aux fruits pour en faire des cadeaux de Noël. « L’aventure a connu un succès extraordinaire. Les gens tripaient sur mes petits pots, se rappelle-t-elle. Ça m’a encouragée. »

C’est à ce moment qu’Annie-Claude a compris que c’est ce qu’elle voulait faire de sa vie.
Déterminée, elle s’est déniché un emploi chez un confiturier de sa région dans le but précis d’apprendre le métier et d’acquérir les connaissances nécessaires pour lancer sa propre entreprise. Elle demande alors un permis au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et s’inscrit au cours de gestionnaire en hygiène et salubrité des aliments donné par une employée de ce ministère au Cégep de Joliette. Cette formation d’une durée de 12 heures est dispensée sur deux jours.

« Pendant tout ce temps, je cherchais désespérément un nom pour mon entreprise. J’en parlais à mes parents et amis, mais je ne trouvais rien qui m’allumait. J’avais presque laissé tomber ma recherche, j’essayais de ne plus y penser, jusqu’au jour où, alors que je déjeunais tranquillement avec ma mère, un nom m’est venu tout d’un coup. À 23 ans, j’aurais mon entreprise et elle allait s’appeler Dimanche matin », raconte-t-elle à Vivre à la campagne.

Ce nom correspondait à l’image qu’Annie-Claude souhaitait donner à son entreprise. Elle voulait que ses pots de tartinades soient associés au rituel ou à l’atmosphère qui règne dans les petits déjeuners en famille ou entre amis le dimanche matin. C’est ce que d’autres appellent des noms de produits émotifs parce qu’on leur associe des sentiments qui vont de la douceur à la nostalgie des rencontres familiales ou des souvenirs de l’enfance.

La concrétisation d’un rêve

C’est en octobre 2013 qu’elle enregistre son entreprise sous le nom de Dimanche matin. S’ensuivent la mise en ligne de la page Facebook et les premières démarches pour la construction d’un site Internet.

La jeune entrepreneure réalise bientôt que l’étiquetage de ses petits pots de tartinades représente un vrai casse-tête. Elle se heurte à plusieurs lois et règlements concernant des détails aussi précis que la grosseur des caractères utilisés pour le lettrage et la manière de présenter le produit, qui deviennent un tas de tracasseries. « C’est comme mettre un enfant au monde. Il n’y a pas de guide qui vient avec le bébé », dit-elle.

Heureusement, le premier bébé est né et il a maintenant huit petites sœurs, dont la tartinade Fraise et basilic, le meilleur vendeur de l’entreprise. Il y a également les tartinades Poire, érable et vanille, Framboise et noix de coco, Pêche et thé blanc, etc.

Annie-Claude se félicite de disposer d’une solide équipe de bénévoles, qui l’accompagnent dans son aventure. Elle peut compter sur son copain et sur une indispensable copine graphiste, surtout au moment de la production des étiquettes. Il y a aussi de bons amis prêts à aider ou à servir de cobayes quand il s’agit de tester et de peaufiner les tartinades. « J’ai un focus group d’une dizaine de personnes, mais je me fie également à mon intuition. Il y a des saveurs que je retravaille et retravaille. Parfois, je rate une batch. C’est pas grave, je recommence », explique-t-elle. Pour le moment, sa production s’élève à une centaine de pots par jour. Elle croit qu’avec l’aide d’un employé elle pourrait atteindre les 250 pots par jour.

L’ancienne agente de bord partage un local dans une pâtisserie de Crabtree qui communique avec La Crémière, laquelle n’est ouverte qu’en été. Elle occupe ce dernier espace durant l’hiver. « L’été, je partage l’espace avec la pâtissière. Je rêve que d’ici cinq ans je pourrai travailler dans mon propre atelier et que Dimanche matin constituera ma seule source de revenus », confie-t-elle. La jeune femme espère également être en mesure de cultiver ses fraises, framboises et bleuets sur un petit lopin de terre qui lui appartiendrait dans sa région natale. « Même si j’ai aimé vivre à Montréal, j’ai choisi de demeurer dans Lanaudière. C’est là où je suis née. »

Vendre

Annie-Claude ne vend pas qu’à ses parents et amis. Elle s’est préparé un kit de dégustation qu’elle trimbale chez des clients potentiels. « Au début, je faisais ça avec mon bon cœur, mais j’ai réalisé que ça va mieux si je peux faire goûter tous mes produits. Les gens sont surpris de me voir arriver avec mon attirail, surtout que j’ai l’air de sortir du secondaire. C’est plus drôle qu’autre chose », lance-t-elle.

L’épicerie de Crabtree a succombé aux arguments d’Annie-Claude puisqu’elle met les produits de la jeune femme sur ses tablettes. Il en va de même pour la Boulangerie St-Viateur, l’Âtre Bistro-Traiteur, de Joliette, et Au plaisir des sens, de Saint-Côme. Dans ce dernier cas, ce sont les gens du bistro qui ont sollicité Annie-Claude pour vendre ses tartinades. « Ça fait du bien quand on est sollicité par des commerces qui ont entendu parler de nous », se félicite-t-elle.

Celle-ci ne s’arrête cependant pas en chemin. Elle a organisé des dégustations en magasin, ce qui a encore moussé sa confiance en son produit. « Quand les gens goûtent mes tartinades, ils partent avec, déclare-t-elle. Il y en a qui me confient qu’elles ont mis du soleil dans leur journée. »

Public cible

La jeune entrepreneure avoue ne pas avoir confié la recherche de son public cible à une grande entreprise de marketing. « Je pense que mes clients sont surtout de la classe moyenne, des étudiants et des familles », dit-elle. En ce qui a trait au prix de ses tartinades, elle est bien consciente qu’elle ne peut pas concurrencer les produits comparables vendus en épicerie. « Je suis là-dedans chaudron par chaudron. Je ne peux pas accoter ce que fait la grande industrie. Je vends plus cher, mais je mise sur l’aspect artisanal de mes produits, leur qualité et l’amour que je mets dedans », conclut-elle.