Actualités 30 janvier 2017

Quatre étapes pour une vinification réussie

« Le taux de sucre dans le raisin est un bon indicateur de maturité, mais il n’est pas le seul », explique l’œnologue Jérémie D’Hauteville.

Un viticulteur a tout intérêt à effectuer le suivi de maturité par échantillonnage de ses parcelles pour planifier ses vinifications et déterminer la date de la vendange. C’est ce que la chercheuse Karine Pedneault, de l’Institut de recherche en biologie végétale de Montréal, et M. D’Hauteville ont expliqué lors d’une conférence diffusée sur le Web par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ).

1 – Diviser le champ

Selon les intervenants, la division du champ en parcelles est la première étape dans le suivi de maturité par échantillonnage. Les parcelles fournissent de l’information pertinente sur la qualité de la vendange, par exemple celles qui sont plus productives que les autres et, par le fait même, permettent de mieux déterminer la date de récolte. Les données amassées permettent aussi de prévoir l’organisation du travail à la cave à vin, d’adapter l’itinéraire de vinification au potentiel de la vendange et de comparer les territoires et millésimes dans le temps. L’œnologue recommande de diviser le champ selon l’hétérogénéité des rangs qui le constituent.

2 – Prélever les baies

Pour effectuer l’échantillonnage, l’œnologue recommande de prélever 200 baies par parcelle, une fois par semaine, dès la dernière semaine d’août. Bien sûr, le nombre de baies peut augmenter si une parcelle est homogène sur plusieurs hectares. Les baies doivent être prélevées sur un ou deux rangs choisis pour leur représentativité de la parcelle, mais qui ne se situent pas en bordure de celle-ci. Il est important de marquer ces rangs afin d’effectuer le prélèvement sur les mêmes témoins au fil du temps.

« Ça n’arrive jamais d’avoir toutes les composantes à leur niveau optimal au moment de récolter », explique Karine Pedneault. Néanmoins, à l’approche de la date de récolte, le prélèvement doit être effectué deux fois par semaine, car certains critères vont évoluer plus rapidement que d’autres, surtout si les journées sont sèches et chaudes et que les nuits sont fraîches.

Archives TCN
Archives TCN

Afin d’être le plus précis possible dans l’évaluation de la maturité des baies, il est important d’effectuer le prélèvement sur les deux faces du rang (pour prendre en considération l’ensoleillement), mais également de prélever le raisin alternativement sur l’aile et la pointe de la grappe et d’arracher les baies sans éclatement. « Attention, plus on s’éloigne horizontalement et verticalement du tronc, plus les baies mûrissent rapidement. Il est important de les prélever sur des grappes réparties sur toute la souche de la vigne », indique M. D’Hauteville.

L’œnologue met également en garde contre les mauvaises méthodes de prélèvement qui pourraient fausser les résultats des analyses, comme de prélever systématiquement sur les grappes visibles, de prélever uniquement les baies qui se décrochent facilement (surévaluation de la maturité) et de récolter les jours de pluie ou de rosée importante au risque de diluer les composantes du raisin (s’il est mouillé, prévoir du papier absorbant). M. D’Hauteville recommande d’utiliser une glacière – car les raisins cueillis doivent être maintenus entre 10 et 15 °C au risque de provoquer une fermentation –, de traiter les échantillons dans un laps de 24 heures et de prévoir des contenants facilement identifiables.

3 – Observation et dégustation des baies

L’acide malique, l’acide tartrique, le potassium, l’azote assimilable et les composés phénoliques seront à faire doser en laboratoire, tandis que le degré probable, l’acidité totale et le pH peuvent être testés directement au vignoble. Pour ce faire, on transforme une partie des baies de chacune des parcelles en jus, soit à l’aide d’un mélangeur (sans faire éclater les pépins), soit en mettant les baies dans une chaussette et en pressant pour en extraire le jus.

L’analyse sensorielle, explique Karine Pedneault, permet une évaluation systématique de la maturité technologique (sucre, acidité), phénolique (couleur, tanin), aromatique et texturale de la baie, un outil important dans la prise de décision de vendanger.

Lors de l’examen visuel et tactile, on évalue la couleur des baies ainsi que la facilité avec laquelle on peut détacher le raisin de la grappe et celle avec laquelle on peut l’écraser. Au moment de la dégustation de la pulpe, on note les arômes dominants, le goût sucré et le goût acidulé. Lors de la dégustation de la pellicule, on mastique de 10 à 12 fois et on note les arômes dominants, on examine si la pâte obtenue est homogène ou granuleuse, et on passe le broyat sur le palais afin d’évaluer la difficulté à y passer la langue et à resaliver (l’astringence). L’étape finale concerne les pépins : on évalue leur couleur, leur résistance lorsqu’ils sont écrasés sous les incisives, l’arôme dominant lors du broyage sous les dents et l’astringence en passant le broyat sur le palais. Mme Pedneault et son équipe ont travaillé à développer une grille d’évaluation de la maturité du raisin par analyse sensorielle adaptée à la réalité du Québec. La grille est disponible sur le site Web d’Agri-Réseau.

4 – Date de récolte difficile à prévoir

La date de récolte « parfaite » est encore difficile à prévoir pour les viticulteurs. « On n’a pas assez de recul au Québec pour déterminer les temps de demi-floraison à la maturité et de demi-véraison à la maturité puisqu’ils sont propres aux régions et aux cépages », dit M. D’Hauteville. En Europe, ces périodes sont respectivement de 110 et 45 jours.

De plus, le rapport mathématique entre les taux de sucre et d’acidité totaux doit se situer entre 35 et 50 pour démontrer la maturité. « Or, il semble y avoir au Québec des taux de sucre et d’acidité totaux différents de ce que l’on retrouve en France. Il est important de trouver des données propres aux cépages d’ici », indique M. D’Hauteville.

« Si l’on se fie aux critères de maturité physiologique [indice des polyphénols totaux, anthocyanes, extractibilité, etc.], la date de vendange optimale est atteinte lorsque le taux d’anthocyanes commence à redescendre, soit de cinq à huit jours après le maximum d’accumulation pour les rouges, indique M. D’Hauteville. Mais encore une fois, cette référence peut-elle s’appliquer au Québec? »

« Il existe plus de 50 cépages au Québec. Il est difficile de donner une règle commune à tous, dit la chercheuse. Il faut que chaque producteur tienne religieusement un registre de ses cépages pour construire une banque de données propre au Québec. » Un guide des bonnes pratiques en viticulture sera rendu disponible dès le mois de septembre par le CRAAQ.