Actualités 20 juin 2016

Réponse aux Six secrets pour obtenir plus de soya

Dans l’édition du 17 février 2016 de La Terre de chez nous, un journaliste nous rapportait les propos d’un spécialiste américain en physiologie des plante, Fred Below, qui était invité à donner une conférence au Rendez-vous végétal tenu le 10 février dernier, à Brossard. Selon M. Below, il y aurait six secrets à considérer pour obtenir plus de soya : une fertilisation en phosphore mieux adaptée, la météo, la génétique, la protection foliaire, le traitement des semences et l’espacement entre les rangs. Passons en revue les propos rapportés par M. Below sur chacun des six secrets.

1) D’après le spécialiste, c’est le manque de phosphore qui serait le plus limitant pour le soya. Cette limitation s’expliquerait par la méthode de fertilisation la plus couramment utilisée au Québec pour le soya qui suit une année de maïs, basée sur le fait que l’on n’ajoute pas de fertilisants l’année du soya. La méthode de fertilisation utilisée par les producteurs d’ici, remise en question par M. Below, semblerait toutefois être validée par des chercheurs du Québec. Selon leurs observations, le soya profiterait de la fertilisation résiduelle des autres espèces en rotation, mais répondrait peu à celle de l’année en cours.

Toutes les données scientifiques pertinentes ont été utilisées par les experts québécois en fertilisation, tant du domaine public que du privé, pour bâtir les nouvelles grilles de référence en fertilisation disponibles depuis décembre 2010. Des essais scientifiques réalisés par le CÉROM de 2008 à 2015 ont démontré à nouveau que le soya pouvait donner d’aussi bons rendements sur des parcelles classées moyennes en phosphore en 2008 et n’ayant reçu aucune fertilisation pendant huit années consécutives comparativement à des parcelles fertilisées annuellement selon le guide de référence en fertilisation du Centre de référence
en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ).

Les rendements moyens de soya obtenus dans ces essais avec ou sans fertilisation ont été de près de 5 t/ha en 2015. Contrairement aux théories de M. Below, les pratiques québécoises actuelles de fertilisation du soya sont appuyées sur de solides bases scientifiques.

2) Le deuxième secret : la météo. Nous n’avons aucun contrôle sur cette dernière et les producteurs doivent composer avec elle. Il n’en demeure pas moins que les conditions climatiques jouent un rôle majeur sur le développement et les rendements des cultures. Un gel hâtif comme celui observé en septembre 2014 a causé de nombreux soucis aux agriculteurs. À l’opposé, l’exceptionnel mois de septembre 2015 a permis de combler les retards dans la croissance des cultures et a contribué à l’obtention d’excellents rendements de soya. Ce n’est un secret pour personne : la météo constituera toujours un élément essentiel pour obtenir plus
de soya et demeurera difficilement prévisible.

3) Le troisième secret : la génétique. Il est généralement reconnu par les acteurs du monde agricole que l’amélioration des rendements d’une culture serait due à parts plus ou moins égales aux progrès génétiques enregistrés dans les variétés ou les hybrides de cette même culture et à ceux réalisés dans la régie. Des efforts considérables et d’importantes ressources financières ont été et sont encore consacrés au développement de nouvelles variétés de soya au Québec et ailleurs dans le monde.

De nombreuses variétés aux caractéristiques diversifiées sont présentement offertes sur le marché. À partir de toutes les informations disponibles sur ces variétés, les producteurs doivent choisir celles qui correspondent le mieux à leurs besoins spécifiques, ce qui n’est pas toujours une tâche facile, car de nombreuses questions demeurent sans réponse en ce qui concerne le comportement de ces variétés. Les agriculteurs peuvent bien sûr consulter le guide annuel produit par les Réseaux grandes cultures du Québec (RGCQ), conçu en collaboration avec l’industrie privée, dans lequel on retrouve les caractéristiques de nombreuses variétés de soya évaluées de manière objective.

4) Le quatrième secret : la protection foliaire. Pour lutter contre plusieurs maladies chez le soya, plusieurs études ont démontré l’efficacité des fongicides foliaires. Celle-ci peut varier en fonction du type de produit employé et de la présence ou de l’absence de maladies. Selon les données scientifiques disponibles au Canada et aux États-Unis, l’utilisation de fongicides foliaires permettrait d’augmenter significativement les rendements du soya dans 40 à 70 % des essais réalisés.

Toutefois, leur emploi ne serait économiquement rentable que dans 30 à 50 % des cas. Au Québec, des chercheurs de l’Institut de recherche et de développement
agroalimentaire (IRDA) ont conclu que les perspectives de rentabilité de l’utilisation des fongicides foliaires chez le soya étaient faibles.

5) Le cinquième secret : le traitement des semences. D’après M. Below, le traitement des semences à l’aide de fongicides, d’insecticides et de nématicides jouerait un rôle similaire à celui des fongicides foliaires en facilitant la croissance des plantes. Bien que des nématodes aient été détectés récemment au Québec, les quantités seraient très faibles et n’exigeraient pas l’emploi de nématicides comme dans certaines régions des États-Unis.

D’autre part, les résultats de plusieurs recherches américaines et québécoises remettraient en question l’utilisation systématique d’insecticides sur les semences de manière préventive. Enfin, l’emploi de fongicides sur celles-ci pourrait être bénéfique pour le développement des plantules de soya.

6) Le dernier secret : l’espacement entre les rangs. Selon M. Below, passer d’un espacement entre les rangs de 76 à 51 cm permettrait d’éviter certaines maladies et d’aller chercher plus de lumière tout en assurant une aération suffisante entre les plants. Au Québec, la majeure partie des ensemencements de soya était réalisée en rangs à espacement étroit dans les années 1990, car la plupart des producteurs utilisaient leurs semoirs à céréales pour faire leurs semis de soya.

Puis, plusieurs agriculteurs ont choisi d’employer des semoirs plus performants avec des écartements entre les rangs variant de 38 à 76 cm. Plusieurs recherches effectuées au Canada et aux États-Unis avaient d’ailleurs démontré que l’utilisation de rangs rapprochés permettait d’augmenter les rendements comparativement aux rangs plus espacés. Cependant, des semis trop denses comportant de faibles espacements entre les rangs faciliteraient le
développement de certaines maladies et particulièrement de la moisissure blanche, la maladie qui causerait le plus de dommages à la culture du soya au Québec.

Il est conseillé de consulter le guide annuel des RGCQ afin de vérifier les niveaux de tolérance des cultivars à cette maladie.

Peut-on vraiment parler de secrets pour obtenir plus de soya? Au lieu de secrets, on devrait plutôt parler d’acquisition des connaissances nécessaires pour améliorer le fonctionnement de nos systèmes agricoles québécois. Celles-ci doivent provenir de sources objectives dûment validées par des essais scientifiques représentatifs des conditions de croissance du Québec. De meilleures connaissances permettront aux producteurs d’ici d’augmenter la rentabilité de leurs exploitations et de demeurer compétitifs face à la concurrence. C’est un secret de polichinelle.

 

Gilles Tremblay
Agronome, CÉROM