Politique 5 septembre 2014

« Il nous faut une politique agricole forte »

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Pour préserver ses terres agricoles, le Québec a besoin de partenaires économiques et financiers tels que la Caisse de dépôt et placement du Québec et la Banque Nationale.

Ces investisseurs pourraient jouer un rôle majeur en apportant leur soutien financier à la future SADAQ (Société d’aménagement et de développement agricole du Québec) dans le cadre de la prochaine politique agricole québécoise.

C’est l’essentiel du message livré mardi par l’économiste en chef de l’UPA, Charles-Félix Ross. Il a intitulé sa présentation : « Les terres agricoles : un investissement pour les caisses de retraite ? ».

Il était l’invité de l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA), région du Québec, dans le cadre d’une conférence «Midi-Placement» présentée au Club Saint James, à Montréal.

« On aimerait qu’ils (la Caisse de dépôt et la Banque Nationale) investissent dans la SADAQ. Ce serait une façon de canaliser leurs efforts pour soutenir l’agriculture et permettre aux producteurs de continuer d’exercer leur métier d’agriculteur sur leurs terres », a déclaré, en substance, l’économiste en chef.

Il a ajouté : « Le phénomène de l’accaparement des terres est inévitable et c’est par la mise en place d’une politique agricole forte, avec des acteurs prêts à s’impliquer, qu’on va en limiter les effets négatifs ».

Donner de l’oxygène

La SADAQ proposée, qui s’inspirerait des SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), en France, donnerait de l’oxygène aux producteurs agricoles et permettrait aux producteurs de la relève de gagner leur vie dans le monde agricole, en ayant accès à des terres à des prix d’achat ou de location abordables, selon l’économiste.

« Parce qu’il est aussi possible de permettre aux producteurs d’être locataires, à la condition que cette démarche soit bien encadrée », a soumis Charles-Félix Ross. Il a toutefois fait remarquer qu’au Québec, les producteurs sont très majoritairement maîtres de leurs terres. À preuve : 80 % des terres cultivables sont la propriété des producteurs, contre 60 % au Canada. En France, 70 % des terres sont louées par leurs propriétaires à des producteurs qui vivent de l’agriculture.

Signe évident que le sujet est brûlant d’actualité : la Caisse de dépôt et placement avait réservé une table pour écouter les propos de l’économiste en chef. Rappelons que le bas de laine des Québécois a entrepris des démarches pour embaucher un analyste financier sur les questions agricoles et forestières. Une décision qui avait été interprétée de façon négative par le directeur général de l’IREC (Institut de recherche en économie contemporaine), Robert Laplante. Ce dernier craint que la Caisse privilégie les investissements spéculatifs en agriculture, plutôt que de remplir sa mission sociale et économique, au Québec, en soutenant des projets de relève agricole.

Hausses de valeur

Au Québec, entre 1990 et 2011, la valeur des terres agricoles a fait un bond de 400 %. Les prix ont explosé de 17 % en 2012. La valeur moyenne d’une ferme québécoise se situe à 2 M$, dont la moitié pour le fonds de terre.

L’économiste en chef prévient que ces hausses de prix, bien qu’elles donnent de la valeur aux fermes québécoises, ne sont pas toujours à l’avantage des producteurs.

« De telles hausses, si elles sont provoquées par une spéculation foncière, risquent de provoquer des départs massifs. Des producteurs pourraient ainsi être contraints de sortir de l’industrie le jour ou ils ne pourront plus supporter la pression. Ça prend une stratégie globale pour y faire face », a-t-il insisté.

Par ailleurs, Charles-Félix Ross a rappelé que le monde agricole tente tant bien que mal d’échapper à la financiarisation des terres agricoles. Entre-temps, il observe que la pression s’accentue sur les producteurs, qui risquent de voir les investisseurs privés et les caisses de retraite augmenter leur participation financière dans ce secteur d’activités.

« Jusqu’à présent, les investissements agricoles des caisses de retraite (dans le monde) demeurent marginaux et ne dépassent pas les 15 milliards (G) $. Mais on s’attend à ce que ces montants investis vont doubler au cours des prochaines années », soumet-il.