Actualités 11 mai 2016

Le semis direct sans herbicides, c’est possible!

Durant son doctorat, Caroline Halde a étudié le semis direct sur paillis d’engrais vert sans engrais minéral ni fumier pendant six ans au Manitoba. Cette fille d’agriculteurs du Québec partage avec nous ses bons résultats et ses suggestions pour faire encore mieux.

« Certains producteurs bio de grandes cultures, qui ont difficilement accès au fumier, intègrent dans leur rotation une saison complète d’engrais vert », explique Caroline Halde, aujourd’hui professeure-chercheuse en agriculture écologique à l’Université Laval. Dans ses communications, elle décrit les avantages d’un paillis d’engrais vert. Celui-ci favorise l’infiltration et la conservation de l’eau dans le sol, évite d’avoir à travailler le sol et à désherber tout en combattant les mauvaises herbes, et apporte au sol de l’azote, d’autant plus si l’engrais vert comprend une légumineuse.

Selon l’expérience, la chercheuse a semé du blé, de l’avoine et du lin sur un paillis d’engrais vert cultivé toute la saison précédente. À sa floraison au milieu de l’été et parfois aussi à l’automne, on écrasait l’engrais vert avec un rouleau-crêpeur pour le détruire et former un paillis. Dans un autre essai, le roulage était remplacé par une fauche. Au moyen d’un pulvériseur (herse à disques) tandem, on enfouissait l’engrais vert ou non à l’automne puis au printemps avant le semis de la culture.

Du blé et du lin qui excellent en semis direct biologique

Mme Halde a semé du blé de printemps sur un retour de six combinaisons d’engrais vert, sans application d’herbicides. La vesce velue s’est avérée la plus prometteuse, suivie de près par le mélange de celle-ci avec de l’orge. La vesce contenait la plus grande quantité de biomasse et a procuré la meilleure protection contre les mauvaises herbes. Le paillis de cette légumineuse, riche en azote (N), en a laissé jusqu’à 164 kg/ha dans le sol au printemps.

Autre résultat intéressant, le blé biologique en semis direct sur vesce velue a livré un rendement comparable à la moyenne régionale du blé conventionnel. Mme Halde a également semé du lin sur un paillis combiné d’orge et de vesce velue et cultivé sans herbicides. Dans deux sites sur trois, le lin en semis direct a donné significativement plus de graines que celui semé sur paillis enfoui. Dans un site, il a même surpassé les moyennes régionales et provinciales.

Autre découverte positive, la fauche du paillis pour remplacer le roulage au milieu de l’été n’a pas affecté le rendement du lin et serait donc une source de revenus attrayante.

Et à long terme?

La scientifique a également examiné pendant cinq ans la rotation lin, avoine et blé, en y intercalant le mélange orge et vesce velue, la première et la quatrième année. L’avoine a donné un aussi bon rendement en semis direct biologique que sur paillis enfoui, en modes biologique et conventionnel. « Mais le semis direct biologique du lin et du blé a beaucoup souffert, note Mme Halde. L’une des causes importantes serait la faible biomasse des engrais verts : les mauvaises herbes y ont été nettement plus abondantes. »

Des suggestions pour faire mieux

Mme Halde suggère d’intégrer à ce genre de rotation d’autres techniques de désherbage sans travail du sol telles que l’utilisation de l’écimeuse sélective. Cet instrument passe dans la culture en ne coupant que les tiges des mauvaises herbes qui dépassent. Elle propose aussi le broutage par des moutons en enclos portatif après la récolte de la culture. « Et les producteurs ne doivent pas hésiter à faire leurs propres essais », conclut Caroline Halde.

 

Hubert Brochard