Actualités 6 avril 2016

Les chenilles envahissent les champs

Les inondations fréquentes découlant des changements climatiques et la construction de tracteurs géants de 600 chevaux ont entraîné une infestation imprévue dans les champs. Les chenilles s’y multiplient à vue d’œil!

Heureusement, il ne s’agit pas d’insectes ravageurs, mais de chenilles de caoutchouc qui viennent remplacer les pneus traditionnels pour une flottaison accrue.

Les chenilles en agriculture ne datent pas d’hier. Elles font leur apparition dans les années 1950. Joseph-Armand Bombardier, l’inventeur de la motoneige, cherche alors un moyen de relancer son entreprise. Le gouvernement du Québec vient d’ordonner le déblaiement des chemins ruraux en hiver. Les machines de Bombardier, dont le fameux B-12, perdent alors de leur utilité et les ventes chutent. Plutôt que de se laisser abattre, l’inventeur y voit une occasion de diversifier ses activités.

Selon le Musée Bombardier de Valcourt, la relance de l’entreprise s’amorce véritablement avec la mise en marché d’un mécanisme de traction pour l’agriculture, le TTA1 (Tractor Tracking Attachment). Joseph-Armand Bombardier perfectionne un concept de son frère Gérard. Ce dispositif, explique-t-on, améliore la capacité de traction des tracteurs dans les terrains boueux et marécageux. Il sera vendu à des milliers d’exemplaires à des fabricants de tracteurs en Amérique du Nord, en Europe et en Amérique du Sud.

En 1952, Joseph-Armand Bombardier est insatisfait de la qualité et du prix des pièces de caoutchouc qu’il trouve sur le marché. Qu’à cela ne tienne, le prodigieux inventeur fait breveter un procédé de vulcanisation et développe un barbotin (roue dentée) tout en caoutchouc pour entraîner les chenilles. Avec son fils aîné Germain, il fait construire une nouvelle usine à Kingsbury, le village voisin de Valcourt en Estrie.

 

Visionnez cette entrevue réalisée en 1956 par Radio-Canada avec Joseph-Armand Bombardier.

 

Fondée en 1982, Camoplast fabrique d’abord des chenilles de motoneige. En juillet dernier, Camoplast a fait place à une nouvelle société, Camso, soit la contraction de Camoplast et de Solideal, un fabricant du Sri Lanka acheté en 2010. L’entreprise compte 300 employés à son siège social et centre de recherche à Magog. C’est donc au Québec qu’ont été développées les chenilles Camso Durabuilt 3500 et 6500.

Elles équipent aujourd’hui les nouveaux tracteurs John Deere à quatre chenilles de la série 9RX. Cette chenille est fabriquée à l’usine Camso, d’Emporia au Kansas, tandis que la composante mécanique est produite à l’usine de Peosta, en Iowa. Pour la prochaine saison, Camso vient de lancer deux nouveaux produits, dont la série TTS 40, un système à chenilles étroites pour la culture en rang. Ce système convient aux remorques, dont les semoirs et distributeurs d’engrais de grande capacité. Les points de contact avec le sol sont réduits de moitié, ce qui se traduit par une réduction de la pression au sol pouvant aller jusqu’à 70 %. Le rendement des cultures pourrait s’accroître de 5 %.

Camso présente aussi une nouvelle chenille sur route pour les tracteurs servant à la culture en rang. Le fabricant promet une durabilité accrue de près de 20 %. « C’est plus qu’une mode », affirme Martin Lunkenbein, directeur général de la gamme de produits agricoles chez Camso, au sujet de la popularité grandissante des chenilles.

Celles-ci, confirme-t-il, répondent à un marché en forte croissance en Amérique du Nord, mais qui offre aussi des opportunités intéressantes en Europe et en Amérique latine. « C’est un outil additionnel dans le coffre des agriculteurs, ajoute-t-il, notamment pour faire face à la nouvelle réalité de la météo. Les producteurs cherchent à élargir leur fenêtre d’opération pour aller au champ quand il le faut. »

 

Le directeur stratégie marketing et communications chez Camso discute avec un de ses partenaires de la demande accrue pour les chenilles (anglais).

 

Autres fabricants

D’autres fabricants canadiens utilisent d’ailleurs volontiers la technologie québécoise développée par Camso. C’est le cas du manufacturier de tracteurs Versatile, de Winnipeg. Celui-ci équipe ses tracteurs articulés d’un système de chenilles de caoutchouc DeltaTrack développé en collaboration avec Camso. 

Toujours au Manitoba, le fabricant Elmer’s Manufacturing, d’Altona, propose des trains roulants pour la majorité des machineries agricoles. Doté des chenilles de caoutchouc Camso, son équipement s’installe en un tour de main à l’aide d’un chariot élévateur ou d’une pelle hydraulique.