Actualités 7 mars 2016

Des canneberges pour remplacer les antibiotiques chez les porcs

ALMA—Remplacer 2 % de la ration des porcs par des canneberges permet d’améliorer leur santé intestinale. Une étude menée par Agrinova démontre que les canneberges pourraient même remplacer une partie des antibiotiques utilisés dans l’industrie porcine.

Chaque année, des milliers de kilogrammes de fruits pourris, difformes ou trop petits sont déclassés lors de la récolte de la canneberge. En plus de lutter contre les infections urinaires chez l’humain, celle-ci est reconnue comme un puissant antioxydant. Des chercheurs d’Agrinova ont eu l’idée de valoriser ces canneberges déclassées pour nourrir les porcs tout en améliorant leur santé intestinale.

« Les proanthocyanidines que l’on retrouve dans la canneberge contiennent beaucoup de tanins qui entrent en compétition avec la bactérie E. coli et qui viennent se fixer aux parois de l’intestin », souligne Nadia Bergeron, l’agronome chargée du projet à Agrinova.

Dans le cadre de la première phase d’expérimentation, des canneberges entières (conservées gelées) ont été utilisées pour remplacer 1 % et 2 % de la ration des porcs. Étant donné que le petit fruit n’était pas séché, il n’a pas pu être incorporé à la ration et a dû être servi à la main.

Pendant 30 jours, les porcs ont donc mangé des canneberges, et les résultats sont impressionnants. D’abord, les petits fruits n’ont eu aucun impact sur la croissance des porcs, ce qui était souhaité. C’est plutôt dans les profils bactériens que réside l’intérêt de cette recherche. Avec une ration de 2 % de canneberges, le nombre de coliformes fécaux a diminué de plus de 50 % et la présence de la bactérie E. Coli dans les fèces des porcs, de plus de 95 %. En outre, la quantité de bactéries lactiques, un probiotique bénéfique qui favorise la digestion, a été multipliée par 12. « Ces bactéries favorisent aussi la conservation de la viande après l’abattage », ajoute l’agronome.

Aller plus loin

Ces résultats forts intéressants pourraient en théorie aider à réduire la consommation d’antibiotiques chez les sept millions de porcs du Québec. Pour pouvoir être implantée plus facilement dans l’alimentation des porcs, la canneberge doit toutefois être séchée puis moulue avant d’être intégrée à la ration. L’équipe de chercheurs a donc réalisé des tests pour maximiser les bienfaits de la canneberge selon la température et la durée de séchage.

À 40 °C, les proanthocyanidines commencent à se dégrader, un facteur qui limite les activités de séchage, lesquelles se font habituellement à très haute température, note Mme Bergeron. Pour optimiser la performance de ces probiotiques, le séchage doit donc se faire à 20 °C. Malgré tout, celui-ci fait passer le taux de proanthocyanidines de 2,42 % pour les canneberges fraîches à 1,63 % pour les canneberges séchées.

La recherche réservait toutefois une surprise de taille : les feuilles séchées contiennent 4,3 % de proanthocyanidines. Mais comme il existe deux types de proanthocyanidines, A et B, des tests devront être menés pour démontrer l’efficacité des feuilles dans la lutte contre les bactéries nocives.

Les prochains tests seront effectués au cours de l’année, en collaboration avec La Coop fédérée, les Éleveurs de porcs du Québec et les Industries MES, pour mesurer l’impact du produit sur les porcelets en croissance. « Pour l’instant, nous avons déterminé que ça coûtait aussi cher de nourrir les porcs avec des canneberges que de donner des antibiotiques. C’est quelque chose qui peut être très intéressant pour l’élevage biologique, et même dans le conventionnel, car les consommateurs souhaitent que les producteurs utilisent le moins d’antibiotiques possible », conclut Mme Bergeron.

 

Guillaume Roy