Élevage 29 août 2014

Le secteur du bœuf comprimé par la sécheresse

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

Grande consommatrice de grains, la production bovine n’échappe pas à la sécheresse qui déferle sur les États-Unis.

Pour Jean-Philippe Gervais, économiste agricole principal chez Financement agricole Canada (FAC), cette sécheresse ne pouvait arriver à un plus mauvais moment, les stocks de maïs se trouvant à leur niveau le plus bas en 20 ans. « Le prix du maïs restera élevé pendant un bon moment simplement parce que les stocks sont bas et que nous ne pouvons pas faire grand-chose pour rationner son utilisation », prédit-il.

La hausse des coûts d’alimentation ralentit considérablement les entrées de bouvillons dans les parcs d’engraissement. Le nombre de bovins en Alberta et en Saskatchewan pourrait ainsi passer sous les 550 000 au 1er septembre, soit plus de 100 000 têtes sous la moyenne des cinq dernières années, selon Anne Dunford, analyste chez Gateway Livestock Exchange, dont les propos ont été rapportés par l’hebdomadaire Western Producer. Pour l’ensemble du pays, les ventes de bouvillons pour 2012 sont estimées à 2,8 millions, le niveau le plus bas depuis 1994.

Le Québec ne fait pas exception, car la production de bouvillons y est en perte de vitesse. Depuis un sommet de 215 000 têtes en 2008, elle peine à atteindre la barre des 130 000 pour 2012. L’élevage de veaux de grain, un fleuron de l’agriculture québécoise, vit aussi des moments difficiles. Le prix record du maïs, principal aliment de la ration, force les producteurs à retarder l’entrée de veaux.

À court terme, la sécheresse entraîne aussi une liquidation des animaux reproducteurs. Le cheptel américain pourrait ainsi tomber sous les 30 millions de têtes au début de 2013; un creux historique en 40 ans. Au Canada, le nombre de bovins se situe à son niveau le plus bas en 18 ans; dans la Belle Province, le troupeau reproducteur a également rétréci, passant de plus de 240 000 bêtes en 2007 à 192 000 en 2011.

Dans la balance

Pour l’instant, l’affluence d’animaux sur le marché fait diminuer les prix du bétail. À long terme, les perspectives demeurent intéressantes. Ces prix alléchants ne suffiront peut-être pas à convaincre les éleveurs de remplir leurs parquets d’engraissement, eux qui devront toujours composer avec un maïs onéreux qui pourrait engloutir la vigueur des prix du bœuf.

D’ailleurs, pour chaque bond de 1 $/boisseau du cours du maïs, le coût du gain des bouvillons s’accroît d’environ 0,15 $/livre, selon les experts. Ainsi, à 5 $/boisseau, la livre de gain coûte 0,80 $. Et à 8 $/boisseau, chaque bouvillon coûte 1,25 $/livre à engraisser, estime Anne Dunford. « Les prix des bovins devraient demeurer élevés pour plusieurs années, mais les profits dépendront de la capacité d’être discipliné. Ce secteur change rapidement. Les producteurs incapables d’accepter le risque ou de le gérer ne survivront vraisemblablement pas », croit l’analyste.

Pour Jean-Philippe Gervais, « il n’y a pas de solution miracle ». Les éleveurs doivent dès maintenant porter une attention particulière au poids de vente et aux dates de commercialisation de leur bétail. « Étant donné la volatilité des prix, la gestion du risque devient de plus en plus importante », termine l’économiste.