Actualités 19 mars 2012

Produire des fourrages avec des semences germées

 

La germination de céréales ouvre la porte à une nouvelle façon d’aborder la nutrition des bovins laitiers. À la ferme laitière Melna Holsteins, les 50 vaches laitières tirent une partie de leur apport en protéines et en vitamines de grains d’orge germés.

L’association semble plutôt farfelue : une chambre de germination haute technologie et une ferme laitière. La chambre de germination abrite la précieuse culture de céréales germées des producteurs laitiers Jos et Francine Melenhorst, à Winchester en Ontario. « Depuis août dernier, la ration ne compte plus de maïs ensilage, mais des grains d’orge germés », indique Jos Melenhorst. Les racines de ces jeunes pousses ont une valeur nutritive intéressante, notamment en protéines et en vitamine A. « Le plus grand bénéfice se trouve dans le grand volume de racines des pousses : on y retrouve une quantité importante d’enzymes qui neutralisent entre autres l’acidité dans le rumen », précise Roland Poirier, le propriétaire de Nutra-Fix, l’entreprise à l’origine de l’introduction de cette technologie australienne au Canada.

« À l’automne 2010, nous étions allés visiter un producteur laitier américain équipé d’un tel système, raconte Jos. Parmi tous les avantages de ce type d’alimentation, nous avons été étonnés par l’excellente santé du troupeau. » Malgré cette convaincante visite, les producteurs n’envisageaient pas de changer à court terme leur méthode d’alimentation. Mais en avril dernier, une tornade a emporté sur son passage le silo de six mètres de diamètre contenant le maïs ensilage. Les producteurs ont alors décidé d’opter pour une alimentation axée sur les grains d’orge germés.

Cultiver des céréales germées

À l’intérieur de la chambre, on contrôle minutieusement la température, l’éclairage, la ventilation et l’irrigation. Des milliers de grains d’orge germent dans 32 grands plateaux. Un système de roues, ressemblant aux roues à aubes utilisées pour transmettre l’énergie des bateaux à vapeur ou des moulins à farine, complète un tour en 30 minutes et soutient les plateaux. Chaque plateau est divisé en trois plus petits plateaux de 1,85 sur 0,9 mètre. Ainsi, tous les jours, les pousses de 16 petits plateaux se retrouvent dans la ration totale mélangée (RTM). Il faut compter près de 55 kg de semences d’orge pour produire le volume de pousses nécessaire pour soigner les 50 vaches laitières. « En peu de temps, les semences d’orge forment un épais tapis rempli de nutriments. En six jours, on multiplie par 7 ou 8 le poids de chaque kilo de semences. En moyenne, nous produisons et utilisons entre 275 et 320 kg de germes d’orge par jour », mentionne Francine.

La chambre de croissance se situe à quelques mètres du bâtiment d’élevage. « Il y a cinq ans, un feu ravageait l’étable. Lors de la reconstruction, nous tenions à séparer le bâtiment d’élevage et celui de l’alimentation », relate Jos. La chambre de germination se trouve à l’endroit de l’ancien silo, une porte de garage la sépare du mélangeur RTM. Le module de roues et de plateaux du système nécessite un espace de 5 m de long sur 3,6 m de large. « On recommande de laisser un espace de 1,2 à 1,8 m tout autour afin de circuler librement », indique Roland Poirier. L’hiver, un plancher chauffant maintient la température optimale pour la croissance à 20-21 °C. Un système de ventilation permet de renouveler l’air deux fois par jour. Le nombre d’heures d’éclairage est de 16 heures par jour et il s’apparente à celui de cultures en serre. Les besoins journaliers en eau s’élèvent à 450 litres. Un système d’irrigation automatique, actif une demi-heure toutes les deux heures, nécessite un réservoir de capacité suffisante, préférablement en acier inoxydable. Dans l’eau, un mélange de nutriments biologiques et de bactéries stimule la croissance des pousses. La température, la ventilation et l’irrigation sont toutes contrôlées de façon automatisée. « La construction d’un tel bâtiment coûte environ 28 000 $ à laquelle il faut ajouter le coût du système, soit 20 000 $ », estime Jos. Une des grandes menaces de la culture de germes de céréales est le développement de moisissures. Comme moyen de lutte préventif, les semences de céréales trempent pendant 12 heures dans une solution iodée. Ensuite, après chaque récolte de pousses, le fond des plateaux repose toute une nuit dans de l’eau chlorée.

Un aliment de valeur

« Les germes d’orge contiennent 12 % de matière sèche et 14 % de protéine soluble. La teneur en vitamine A est de 500 fois supérieure à celle des minéraux commerciaux. On y trouve en moindre quantité de la vitamine B et E et de l’acide folique », énumère Roland Poirier. Dans la ration, on vise l’apport de 10 kg par jour par vache. « Des études sont en cours dans l’État de New York afin de préciser quelle quantité de germes de céréales apporte le plus de bénéfices », mentionne M. Poirier. La ration des Melenhorst compte 6-7 kg d’orge germée (voir l’encadré « Ration des Melenhorst »). « En retirant complètement le maïs ensilage de la ration, nous avons augmenté la quantité de foin servi », précise Jos. « Pour substituer deux kilos de maïs ensilage, on calcule qu’il faut 1 kg d’orge germée et 1 kg d’ensilage de foin », affirme Roland Poirier. Les Menlenhorst ont une production de 33 kg par vache, 193 jours en lait, un pourcentage de protéine de 3,34 et en gras de 4,13.