Actualités 28 août 2014

De Santa Cruz (Guatemala) à Saint-Jacques de Montcalm

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Mercredi dernier, 7 h 40, aéroport Montréal-Trudeau. Aux arrivées, des producteurs agricoles de la Montérégie et de la région de Lanaudière attendent fébrilement leurs travailleurs venus du Guatemala.

« J’ai hâte de les retrouver, confie François Gagnon, producteur d’asperges à Saint-Jacques-de-Montcalm. Ils sont attachants et travaillants. Je sais aussi qu’ils vont me donner un fier coup de main dans les champs! »

Il a plusieurs raisons de se réjouir de leur arrivée. « Je les attendais à la fin avril, mais des problèmes d’émission de visas ont compliqué les choses, explique le producteur. Mais, maintenant qu’ils sont là, je suis soulagé. »

À ses côtés, le producteur de vivaces Bruno Cordeau, de Sainte-Madeleine, ne tient pas en place. « C’est un bonheur de les revoir, année après année, confesse-t-il. Ils font partie de ma famille. Ils nous téléphonent même le jour de Noël! » Il est déjà allé visiter ses travailleurs à Antigua avec son épouse. « Je ne veux pas seulement être leur employeur; je souhaite aussi comprendre leur réalité », raconte-t-il, tout en gardant les yeux rivés sur la porte des arrivées.

8 h 45

Un premier groupe de travailleurs, vêtus de casquettes – l’un d’eux en porte une du Canadien de Montréal! – vient de franchir les portes de l’Immigration et se dirige d’un pas lent vers les producteurs, qui seront aussi leurs employeurs au cours des prochains mois.

Moments de joie et de retrouvailles. Tapes dans le dos et accolades en présence d’une représentante de FERME (la Fondation des entreprises en recrutement de main-d’œuvre agricole étrangère).

« Je ne pourrais plus me passer de cette main-d’œuvre courageuse et intègre », confie Marcel Mailhot, producteur et transformateur maraîcher de brocolis et de choux-fleurs dans la Lanaudière.

À ses côtés, Stéphane Roy, producteur d’asperges, de zucchinis et de carottes, à Saint-Liguori, vante à son tour le courage et la détermination de ces hommes, âgés dans la trentaine.

« Sans rien enlever aux travailleurs québécois, souligne-t-il, ces Guatémaltèques sont inépuisables. Ils viennent ici pour travailler et pour gagner de l’argent, bien entendu, mais ils ont aussi un sens poussé de la loyauté. Ils veulent toujours en faire un peu plus. Mais nous nous devons de ne pas abuser de leur volontariat. Ce ne sont pas des esclaves. »

10 h 15

Une quinzaine d’hommes affamés sont attablés dans un resto déjeuner à Terrebonne. Ils vont manger « sur le bras » de leur employeur. Au menu : des œufs, des saucisses, des pommes de terre, des fruits et du café.

L’image est puissante. Tandis que Marcel Mailhot et Stéphane Roy dissertent sur la responsabilité sociale des employeurs québécois à l’égard des travailleurs étrangers, leurs nouveaux employés mangent en silence. Comme pour absorber le fait qu’ils sont bel et bien arrivés au Québec, et qu’une distance de plus de 3 800 km les sépare désormais de Guatemala City.

Ces travailleurs n’ont pas fermé l’œil depuis qu’ils ont quitté leur domicile, un jour auparavant. Partis à 13 h mardi dernier, ils ont pris l’avion à 17 h 30, à Guatemala City, puis ils ont pris un nouvel avion à 1 h 23, dans la nuit de mardi à mercredi, pour arriver chez nous au matin.

11 h 30

C’est la grande arrivée à la ferme maraîchère de Marcel Mailhot. C’est aussi un moment de retrouvailles. Raphaëlle Mailhot, fille de Marcel, voit à ce que l’installation des nouveaux « locataires » se déroule rondement. On vérifie l’adresse des travailleurs, on s’assure que les passeports seront rangés en toute sécurité, on donne les consignes. Une interprète d’origine cubaine, Ana Perez, répond aux questions.

Ces travailleurs écoutent. Visiblement, ils sont épuisés. Mais ils n’en laissent rien paraître. Ils ont encore le sourire fendu jusqu’aux oreilles, ils font des blagues et se chamaillent avec le producteur, qui prend un malin plaisir à les narguer.

13 h 15

Le soleil tape fort. Il fait chaud. Un petit groupe de travailleurs est déjà à l’œuvre dans les champs. Ils sont venus pour travailler!

20 h 30

Dans leurs chambres équipées de lits superposés, ils s’apprêtent à aller se coucher. Ils vont bientôt dormir à poings fermés. Très tôt, demain matin, ils se plieront en quatre, en affichant toujours le même sourire, pour faire la cueillette des brocolis dans les champs.

5 h 45

C’est le moment de se lever! On enfile ses vêtements de travail et on est prêt pour la « grosse ouvrage ». Ces travailleurs répéteront l’exercice tous les jours, dix heures par jour, six jours par semaine, parfois sept, jusqu’à ce que la première neige ne vienne interrompre leur incessant rituel.

C’est leur réalité. Et cette réalité-là est bien assimilée par les producteurs agricoles qui se sont découvert des affinités avec cette main-d’œuvre sud-américaine.