Actualités 2 octobre 2014

Nos patenteux – La famille Bellerose de Saint-Camille

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Comme un air de famille

Chez les Bellerose de Saint-Camille, en Estrie, il est pour ainsi dire impossible de dissocier l’histoire de la ferme de celle des patentes qui la parsèment. Difficile aussi de trouver sur une ferme une telle variété d’équipements inventés, transformés ou récupérés.

Au cœur de ce tourbillon de créativité, Paul Bellerose et son fils Simon. Ce bout de pays vallonné, au nord de Sherbrooke, est occupé par des Bellerose depuis sept générations. « Ici, il n’y a jamais eu personne d’autre que nous », affirme Paul Bellerose, non sans fierté.

Avant d’entreprendre la tournée de leurs inventions et modifications, les deux complices expliquent que le grand-père Bellerose aussi aimait bien la mécanique, ayant été concessionnaire International Harvester jusqu’à son décès en 1951. « Non seulement notre famille avait accès à plus de machinerie agricole que d’autres, mais par la suite, mon père André est resté au courant des innovations agricoles, ce qui peut expliquer notre passion aujourd’hui », souligne Paul Bellerose.

La visite qui va suivre démontre que cette affirmation repose sur une preuve solide. Pendant que nous nous dirigeons vers les différents bâtiments de la ferme, Paul Bellerose nous explique qu’il a patenté depuis son plus jeune âge. « On n’a jamais été très à l’aise financièrement. Il fallait bricoler pas mal. Et aussi, on a fabriqué des machines simplement pour le plaisir. Des motos activées par des moteurs de scie à chaîne ou encore un dunebuggy sans freins, vous voyez le genre! »

De ces premiers essais, il ne reste que des souvenirs. Des souvenirs, mais aussi une solide expertise acquise au fil des projets, plus ou moins heureux. « Plus tu bricoles, plus ça devient facile », résume Paul.

Une des premières machines qu’il a souvenir d’avoir fabriquées est une faneuse assemblée à partir de pièces d’un vieux chargeur à foin. Il ne se rappelle pas l’année, mais il sait qu’elle était bleue et que les roues se trouvent maintenant sous une remorque. Une autre machine qui n’a pas survécu aux années est une impressionnante tondeuse activée par un moteur de voiture compacte et qui poussait des pointes de 45 km/h. Avec ses 60 po de coupe et ses trois lames, cette machine infernale aura sévi sur la pelouse de la résidence de Saint-Camille pendant plus de sept ans. « Mais elle était bien trop difficile à contrôler. Quand les enfants ont grandi et ont voulu s’en servir, j’ai préféré acheter un vieux tracteur à gazon que nous avons remis en condition. C’était beaucoup plus sécuritaire », précise Paul Bellerose.

Il n’était pas très vieux, Simon, lorsqu’il a, pour ainsi dire, mis la main à la pâte. À 10-12 ans, il maniait déjà la soudeuse. On voit donc à la ferme plusieurs machines où sa contribution est remarquable. Souvent, le travail se fait en tandem, le père et le fils menant conjointement un projet.

Les sources d’inspiration pour ces machines sont très variées. Parfois, on peut le comprendre aisément, c’est le besoin qui est à la source de la création ou de la modification. Parfois, c’est simplement une occasion qui se présente. « Nous avons transformé un réservoir de diésel enfoui en une citerne à fumier sur roues, explique Paul Bellerose, qui insiste sur certains détails. C’est Simon qui a travaillé sur la pompe et qui a conçu le brasseur et la rampe basse. Le reste, on l’a pas mal fait ensemble. »

Chez les Bellerose, on se fait aussi une spécialité d’ajouter des équipements complémentaires sur des machines existantes pour les rendre plus efficaces. Une des plus belles illustrations de ce principe est le semoir à petites céréales où une série de dents de vibroculteur ont été greffées au châssis. Placées en quinconce pour éviter le bourrage, ces dents nivellent le sol et le travaillent juste sous la surface pour obtenir un lit de semence optimal. Un cylindre hydraulique permet d’ajuster, de la cabine, la profondeur de travail.

On ne peut garder sous silence le chariot mélangeur qui se trouve dans l’étable. « Je trouvais que de faire tourner le mélangeur avec le moteur à essence n’était pas très économique, raconte Simon. Même si nous avons acheté le chariot neuf, je lui ai rapidement ajouté un moteur électrique. C’est lui qui fait le mélange. En plus, une minuterie assure l’arrêt automatique, une fois le mélange complété. » Le moteur à essence n’est donc activé que lors des déplacements et pour le soin des animaux, d’où une bonne économie de carburant.

Une avenue innovatrice

Parlant de carburant, une des surprises que nous réserve la visite de cette ferme est la découverte d’une véritable centrale de production énergétique. En effet, après de longues réflexions, Simon et son père ont investi, il y a quatre ans, dans l’achat de deux machines qui visent à combler une partie de leurs besoins énergétiques. À partir de la récolte de soya, les producteurs agricoles tirent, grâce à ces machines, une huile qui sera incorporée au diésel et des granules pour le chauffage des bâtiments qui viennent du traitement de la paille de soya.

Il est rapidement apparu que les machines, telles que livrées, devaient être adaptées pour être fonctionnelles. Dans le traitement de la paille, par exemple, les patenteux ont ajouté une unité de pulvérisation tirée d’une vieille moulange à grain. D’un côté plus amusant, une laveuse à vêtements, maintenue au cycle d’essorage, extrait par centrifugation les plus grosses impuretés de l’huile après le pressage du soya.

Hachée, pulvérisée et pressée, la paille de soya se transforme en granules qui seront brûlés dans une fournaise extérieure pour chauffer de l’eau qui circule par la suite dans la maison et l’étable. La mise au point du processus de fabrication a aussi demandé beaucoup d’ingéniosité.

Soulignons que, faute de courant électrique de puissance adéquate, les deux machines sont tour à tour activées par un moteur diésel par le truchement d’un bras de transmission mobile.

Du côté du biodiésel, la ferme en produit environ 4000 litres annuellement. Dans sa forme actuelle, ce carburant doit être mélangé à 80 % de diésel. L’hiver, la formulation est mise de côté puisque le biocarburant tend à figer.

« La production de granules pour le chauffage et de biodiésel pour les tracteurs de la ferme représente une opération rentable dans la mesure où nous ne payons pas notre matière première », précise Paul Bellerose.

Une scierie automatisée

Possédant un lot de bois où ils travaillent quand l’occasion se présente, les producteurs de Saint-Camille ont décidé de se simplifier la tâche au maximum. Pour ce faire, ils ont fabriqué toute une série d’appareils. Évidemment, la remorque pour aller chercher le bois en forêt est de fabrication maison. Elle a la particularité de posséder des côtés escamotables, se mettant au niveau du moulin et l’alimentant en billots par gravité, sans efforts.

La scierie a été achetée telle quelle, mais les propriétaires n’ont pu s’empêcher d’y apporter des modifications. En fait, le châssis a été allongé pour accueillir des billots allant jusqu’à 26 pi, ce qui permet d’en tirer des planches de cette longueur. Pour le bois destiné au chauffage, une fendeuse performante est disponible. Il s’agit de la troisième fendeuse fabriquée à la ferme, ce qui explique son niveau d’achèvement.

Les membres de la famille Bellerose ont une fixation sur les moteurs diésel de voitures Volkswagen. Il s’agit de moteurs durables que ces ingénieux patenteux ont réussi à modifier pour en contrôler le régime. Bref, la plus récente version de la fendeuse mobile est activée par un tel moteur.

Lorsqu’on transforme le bois, il faut par la suite traiter la croûte, la partie résiduelle du billot comportant l’écorce. Ici, l’opération de valorisation a été entièrement automatisée. Ce que M. Bellerose appelle son « processeur à croûtes » est une des machines les plus étonnantes de tout le lot. Le bois en longueur est d’abord glissé manuellement dans une trappe d’alimentation. Il est ensuite entraîné vers une scie ronde dont la lame s’abaisse en alternance dans un mouvement synchronisé qui assure que la coupe se fera tous les 16 po. Le synchronisme de l’appareil est tellement impressionnant qu’on dirait un travail d’horlogerie. Une fois coupé, le bois est poussé par un bras vers un convoyeur qui le transportera jusqu’à une voiture. Ce bois servira de combustible pour chauffer le garage.

Puisque nous nous trouvons devant une machine complexe, aux nombreuses pièces mobiles, dont une grande lame circulaire, nous abordons avec Paul et Simon la question de la sécurité de ces machines de conception maison. « Notre politique est simple, nous mettons des gardes partout où l’on peut. Ces machines sont là pour nous aider, pas pour nous blesser. Évidemment, il est possible que, sur une version en développement, les gardes ne soient pas encore en place. Mais nous nous assurons que lorsque la machine est prête pour des opérations régulières, elle représente le moins de danger possible pour l’opérateur », explique avec conviction Paul Bellerose.

Des appareils les plus simples aux systèmes les plus complexes, des petits outils aux machines demandant une compréhension de principes de physique et de chimie, les patenteux de la famille Bellerose en mènent large dans le monde surprenant de l’ingéniosité agricole.